Une requête juvénile porteuse de signaux politiques
Dans le fracas feutré des préparatifs électoraux, la voix de la jeunesse du Pool s’est élevée avec une acuité nouvelle. Réunis sous la bannière de la Coalition des associations unies pour la paix et le développement du Congo, de jeunes cadres et paysans ont adressé au président Denis Sassou Nguesso un appel courtois mais ferme : inscrire sans délai leur département dans le programme des Zones agricoles protégées. Leur démarche, formulée par le vice-président de la Caupdc, Fiston Mathat, ne relève pas d’un simple plaidoyer sectoriel. Elle cristallise un espoir collectif de conversion des terres encore en friche en tremplin d’insertion économique, tout en offrant au pouvoir exécutif l’opportunité de conforter son empreinte sociale à l’orée du scrutin de 2026.
« Nous sollicitons très respectueusement son indulgence pour que ce grand projet agricole soit enfin implanté dans notre département », a déclaré le jeune leader. Dans ce propos, le respect institutionnel se conjugue à une impatience légitime : la jeunesse veut travailler, semer, récolter, et participer à la redéfinition d’un territoire longtemps meurtri.
Les ZAP, instrument de résilience et d’attractivité rurale
Lancée par le chef de l’État en 2021, la stratégie des Zones agricoles protégées vise à sanctuariser des périmètres fonciers dotés d’infrastructures et d’incitations fiscales, afin d’accroître la production vivrière et de réduire les importations alimentaires. Les premières ZAP, implantées dans les Plateaux, les Cataractes et la Cuvette, ont déjà permis de dynamiser des filières maïs, manioc ou avicole et de découvrir de nouveaux débouchés logistiques vers Brazzaville et Pointe-Noire. Selon les chiffres avancés par le ministère de l’Agriculture, plus de quinze mille emplois directs auraient été générés en deux ans, un résultat qui alimente le discours d’efficacité gouvernementale.
Pour le Pool, département périphérique de la capitale, l’enjeu est double. D’une part, il s’agit de consolider une paix encore fragile après les conflits de 1998-2003 et les soubresauts de 2016-2017. D’autre part, il faut juguler un chômage juvénile qui tutoie les 40 % dans certaines localités. L’implantation d’une ZAP agirait ainsi comme un amortisseur social et un signal de réconciliation, donnant corps à l’idée d’un « développement par la terre » promue depuis la même tribune par la Caupdc.
Le Pool, mémoire des crises et laboratoire de la réconciliation
La topographie politique du Pool demeure marquée par les cicatrices de la guerre. Villages déplacés, infrastructures écornées, ex-combattants à réinsérer : la liste des défis est longue. Pourtant, la région bénéficie d’atouts paradoxaux. Sa proximité avec Brazzaville garantit des débouchés rapides, tandis que son climat, plus frais que celui du littoral, favorise les cultures maraîchères. En misant sur ces forces, le programme des ZAP pourrait transformer la mémoire de la crise en matrice d’innovation économique, tout en consolidant la présence de l’État là où elle fut un temps contestée.
Dans les couloirs feutrés des chancelleries à Brazzaville, on ne cache pas que le Pool constitue un baromètre de la stabilité nationale. Une embellie socio-économique dans le département préserverait l’horizon de la présidentielle, où la paix intérieure reste un argument diplomatique majeur pour attirer partenariats et investissements.
2026 en ligne de mire : l’agriculture comme vecteur électoral
L’appel de la Caupdc intervient alors que s’esquisse déjà la cartographie des forces pour 2026. La coalition a publiquement exhorté le président à briguer un nouveau mandat, promettant une « large mobilisation » comparable à celle observée lors des précédents scrutins. Cette loyauté affichée n’est pas dénuée de calcul. En alignant sa revendication agricole sur le calendrier politique, la jeunesse du Pool associe son destin à la pérennité de l’action gouvernementale. Elle sait que toute extension des ZAP serait perçue comme un bénéfice tangible du leadership de Denis Sassou Nguesso, renforçant du même coup l’argumentaire de campagne autour de la sécurité alimentaire et de l’inclusion territoriale.
Pour le pouvoir, la demande est tout sauf anodine. Elle offre la possibilité de transformer une mesure technique en récit mobilisateur : celui d’un État à l’écoute, capable d’étendre à une région symbolique les fruits de sa politique agricole. À l’heure où les électeurs attendent des réponses concrètes sur la jeunesse et l’emploi, la ZAP du Pool pourrait devenir l’étendard visible d’un programme plus large de modernisation rurale.
Confluences citoyennes et diplomaties locales
La Caupdc n’entend pas agir seule. Elle souhaite articuler ses efforts à ceux du réseau « Patriarche » de Digne Elvis Tsalissan Okombi, ainsi qu’à d’autres organisations gravitantes dans l’orbite présidentielle. Cette stratégie de coalition traduit une prise de conscience : face aux mutations économiques, aucun acteur ne peut prétendre à la monopole de la mobilisation. La densification du tissu associatif favorable au gouvernement conforte la cohésion autour des initiatives présidentielles, tout en diffusant, à la base, une culture politique axée sur la participation constructive.
Les diplomates en poste dans la capitale gardent un œil attentif sur ces mouvements. Ils y voient un indicateur de la capacité du régime à faire converger la société civile vers des objectifs de développement partagés. Leur diagnostic, souvent feutré, est clair : la stabilité du Congo-Brazzaville se jouera autant dans la réussite des projets agro-industriels que dans la tenue régulière d’élections inclusives. Dans cet équilibre, la demande du Pool résonne comme un test grandeur nature.
Du champ à l’urne, un narratif d’autonomisation
En définitive, la requête d’implantation des ZAP dans le Pool excède le cadre agricole. Elle s’apparente à une quête d’autonomisation économique articulée à un engagement citoyen qui se projette dans les urnes. Pour le président Denis Sassou Nguesso, y répondre positivement renforcerait sa posture d’artisan de paix et de modernisateur, deux piliers que ses partisans mettent en avant à chaque campagne.
À l’horizon 2026, l’insertion des jeunes du Pool dans le circuit productif national, la réhabilitation d’infrastructures rurales et la mise en réseau des marchés représenteront autant de jalons vers une élection apaisée, où la paix ne serait plus promise mais déjà vécue. Si la terre du Pool venait à porter ces fruits, elle confirmerait une maxime chère aux agronomes comme aux politologues : la sécurité alimentaire est, in fine, l’autre nom de la sécurité tout court.