Pointe-Noire, laboratoire politique de la majorité
La brume matinale du littoral n’avait pas encore quitté les docks de Pointe-Noire lorsque trois cents délégués du Mouvement Action et Renouveau se sont installés, le 27 juillet, sous le grand chapiteau drapé aux couleurs nationales. Derrière la scénographie maîtrisée, le parti fondé dans le sillage de la transition des années 1990 entendait frapper un coup d’éclat : hâter le tempo de la présidentielle de mars 2026 et réaffirmer son ancrage comme seconde force de la majorité. La ville-port, traditionnel poumon économique, devient ainsi un microcosme des équilibres à venir au sein de la coalition gouvernementale.
Le MAR en quête d’une stature nationale
En convoquant une session extraordinaire de son Conseil fédéral, le MAR ne se limite pas à un simple exercice interne de restructuration des organes de base. L’objectif, martelé par Maurice Mavoungou, commissaire politique de la fédération, est aussi de projeter une ambition nationale. « Notre défi est d’ériger le MAR en pivot incontournable de la majorité présidentielle », glisse un cadre du parti en marge des débats, conscient qu’une telle visibilité pourrait consolider l’influence de Pointe-Noire face à Brazzaville, cœur institutionnel du pouvoir.
La volonté affichée d’« accompagner sans relâche » la candidature du chef de l’État traduit une lecture stratégique du calendrier. Plus la mobilisation démarre tôt, plus le parti engrange des relais locaux, utiles tant pour la campagne que pour la redistribution politique post-scrutin. Au-delà de la rhétorique, l’enjeu est d’obtenir des positions sur les listes législatives prévues pour 2027 et d’emporter des arbitrages budgétaires en faveur du Kouilou et du Littoral.
La candidature Sassou Nguesso, un atout stabilisateur
En sollicitant Denis Sassou Nguesso, le MAR met en avant la stabilité interne qu’incarne le président sortant. Dans un contexte régional traversé par des transitions parfois chaotiques, le Congo-Brazzaville cultive la réputation de « pays d’entremise » entre État de droit affirmé et pragmatisme politique. « La paix civile demeure notre capital diplomatique », insiste Yolande Mikolelé, autrice de la motion d’appel à candidature. Les observateurs notent que ce positionnement trouve un écho favorable auprès des partenaires multilatéraux soucieux de pérenniser des programmes énergétiques et forestiers encore fragiles.
Si certains acteurs de la société civile plaident pour un renouvellement générationnel, la majorité présidentielle, à travers le MAR, estime qu’une passation ordonnée suppose la présence d’un chef d’État expérimenté, à même de conduire un dialogue national inclusif après le scrutin. Cette grille de lecture rejoint l’analyse de plusieurs chancelleries africaines, persuadées que la sécurisation des chaînes logistiques – des corridors pétroliers aux routes de l’hinterland – prime à court terme sur l’alternance.
Enjeux diplomatiques et économiques à l’horizon 2026
Le calendrier électoral s’arrime à une conjoncture macro-économique qui demeure tributaire des cours des hydrocarbures et de la mise en œuvre du programme conclu avec le FMI en 2022. Aux yeux des bailleurs, l’équilibre budgétaire reste étroit ; aux yeux des autorités, il s’agit de transformer la reprise en relance durable grâce aux réformes lancées dans les télécommunications, l’agro-industrie et les infrastructures routières. La perspective d’un nouveau mandat est présentée comme la garantie d’une continuité administrative, condition indispensable à la signature des accords énergétiques transfrontaliers attendus par Kinshasa et Yaoundé.
Sur le plan géopolitique, Brazzaville projette déjà la présidence tournante de la CEEAC en 2027. Un mandat supplémentaire de Denis Sassou Nguesso renforcerait le poids du Congo dans les arbitrages régionaux liés à la sécurité du golfe de Guinée et à la transition énergétique. La campagne de 2026 pourrait donc dépasser les frontières nationales et prendre des allures de débat sur la gouvernance régionale.
Vers une compétition maîtrisée au sein de la majorité
Les tractations ouvertes par le MAR devraient accélérer la clarification des positions au sein du Parti congolais du travail (PCT) et des autres formations alliées. À Brazzaville, plusieurs stratèges évoquent déjà la possibilité d’investitures croisées destinées à verrouiller le premier tour et éviter un morcellement de l’électorat pro-gouvernemental. La mécanique a fait ses preuves en 2021 ; elle pourrait être reconduite, moyennant quelques ajustements sur la représentation des jeunes et des femmes afin de répondre aux standards d’inclusivité promus par l’Union africaine.
Si aucun suspense majeur ne se dessine à ce stade, l’entourage présidentiel rappelle, de manière feutrée, que la victoire ne se décrète pas ; elle se construit. Le rituel de l’appel à candidature, renouvelé par le MAR, permet de condenser l’élan militant tout en sondant les attentes de l’opinion. À treize mois de l’ouverture officielle de la campagne, le geste sonnait déjà comme un avant-goût d’un scrutin où la majorité entend conjuguer discipline interne et projection internationale. Pour l’heure, le message de Pointe-Noire est limpide : l’unité demeure le fil d’Ariane d’une coalition résolue à franchir sans heurts la prochaine étape de son histoire politique.