Sangha, laboratoire électoral du PCT
Apparu dès les premiers scrutins pluralistes comme l’un des viviers électoraux du Parti congolais du Travail, le département de la Sangha confirme, élection après élection, sa fidélité au chef de l’État. Le scrutin présidentiel de 2021 y avait consacré Denis Sassou Nguesso à plus de 80 % des suffrages exprimés, une performance que les stratèges du PCT entendent consolider en 2026. Dans cette perspective, la bataille pour le pilotage local de la campagne n’a rien d’anecdotique : elle conditionne la mobilisation des villages enclavés comme des centres urbains de Ouesso et de Sembé, terrains décisifs dans un département où l’abstention peut encore bousculer les projections les plus optimistes.
Le paysage politique national a certes peu varié depuis cinq ans, mais l’essor des réseaux sociaux et l’appétit démocratique d’une jeunesse plus instruite imposent de revisiter les codes classiques de la mobilisation. Les porte-voix de la Sangha en sont conscients : celui qui tiendra les rênes de la campagne devra conjuguer légitimité historique et capacité d’innovation.
L’équation du leadership local
Plusieurs profils se dégagent discrètement. Les cadres historiques, tels que l’ancien sénateur Victor Ngakosso ou la députée Marcelline Ollombo, misent sur leur connaissance fine du terrain. La nouvelle garde, incarnée par le maire de Ouesso, Serge-Pascale Mbemba, avance, elle, l’atout de la modernisation numérique des équipes de terrain. « Nous ne pouvons plus nous appuyer uniquement sur la rhétorique révolutionnaire ; l’électeur veut du concret, du bilan et des perspectives », confie un conseiller communal, sous couvert d’anonymat.
Si les ambitions sont réelles, elles se heurtent à la matrice idéologique d’un parti où la discipline demeure la clef de voûte. Le secrétariat permanent du PCT rappelle régulièrement que toute initiative doit s’inscrire dans la feuille de route nationale validée par le bureau politique. Autrement dit, l’heure est à la compétition encadrée, non à la rivalité ouverte.
Pierre Moussa, arbitre vigilant
Le 31 juillet 2025, le secrétaire général Pierre Moussa a fait le déplacement à Ouesso pour une réunion à huis clos avec les élus, les responsables de sections et les cellules de base. Selon plusieurs participants, le ton s’est voulu pédagogique mais ferme. « Si nous ne sommes pas unis, si nous n’observons pas la discipline que nous nous sommes librement imposée, nous ne saurons jamais être en capacité d’affronter victorieusement les échéances politiques qui se profilent », a-t-il répété, citant à la fois le sixième congrès ordinaire du parti et la présidentielle.
Cette intervention, saluée comme un rappel à l’ordre positif, laisse toutefois ouverte la question centrale : qui endossera le rôle de chef d’orchestre ? Le message est surtout un avertissement : les querelles intestines seront scrutées et, au besoin, arbitrées depuis Brazzaville.
Unité et renouvellement générationnel
Au-delà des noms, les observateurs retiennent un mouvement de fond : la volonté de conjuguer expérience et rajeunissement. L’introduction de jeunes cadres formés à l’École du parti a pour but d’insuffler un discours portant sur l’économie numérique, l’agriculture de rendement et la connectivité routière, thèmes qui comptent désormais dans les villages frontaliers avec le Cameroun et la Centrafrique.
Cette stratégie, validée à l’échelle nationale, vise à démontrer que le régime sait se projeter dans la décennie à venir, tout en capitalisant sur le bilan sécuritaire et macroéconomique jugé globalement stable par plusieurs institutions partenaires. À Sangha, où les recettes forestières financent de nouveaux dispensaires, le message trouve déjà un écho tangible auprès des chefs de district.
Les défis logistiques avant 2026
Rester fidèle ne suffit pas ; il faudra aussi voter. L’état des pistes secondaires, rendu précaire par les dernières pluies équatoriales, constitue une préoccupation majeure pour la Commission nationale électorale indépendante. Les opérations de révision des listes se poursuivent, encouragées par le ministère de l’Intérieur, qui promet un déploiement supplémentaire de kits biométriques afin de réduire les déplacements des électeurs.
Sur ce front, le gouvernement multiplie les signaux d’engagement. Le Fonds d’entretien routier vient de débloquer des crédits pour la réhabilitation de l’axe Ouesso-Souanké, tandis qu’un projet pilote d’énergie solaire devrait alimenter treize collèges d’ici à la fin de 2025. Autant d’initiatives destinées à crédibiliser la ligne défendue par Brazzaville : la stabilité politique reste le meilleur levier de développement. Quiconque pilotera la campagne dans la Sangha devra donc transformer ces réalisations en arguments électoraux concrets, capables de faire converger les votes dès le premier tour.
À ce stade, la partie d’échecs n’a livré que ses premiers coups. Mais tous savent qu’aux yeux de Denis Sassou Nguesso, le meilleur stratège sera celui qui mariera loyauté, efficacité et esprit d’ouverture. Dans l’attente de la nomination officielle, la Sangha retient son souffle, consciente que son rôle pourrait, une fois encore, peser lourd sur l’équilibre national.