Une formation nationale inédite
À dix-huit mois de la présidentielle de mars 2026, Brazzaville a donné le coup d’envoi de la formation des 1 200 formateurs chargés de réviser les listes électorales. L’initiative, pilotée par le ministère de l’Intérieur, entend consolider la fiabilité du fichier national.
Réunis dans la capitale le 27 août, ces experts seront ensuite déployés dans les quinze départements pour encadrer plus de 10 000 agents d’enregistrement. Le calendrier officiel fixe la révision électorale du 1er septembre au 30 octobre 2025, soit huit semaines d’opérations intensives.
Le choix d’avancer sur la révision un an avant l’échéance présidentielle est présenté par l’administration comme « une garantie d’inclusivité et de stabilité », reprenant les mots du directeur général des affaires électorales, Jean Claude Etoumbakoundou, lors d’un entretien accordé à la presse nationale.
Cadre juridique consolidé
Les opérations se déploient sous l’égide de la loi n° 9-2001 et des décrets de 1959 et 2001, régulièrement mis à jour jusqu’en 2020. Ce corpus, salué par plusieurs observateurs africains, précise chaque étape, de l’inscription d’urgence à la création des commissions locales.
Selon le ministère, la dernière modification législative a clarifié les notions de radiation et de retranchement des doublons, deux points souvent contestés par l’opposition lors des scrutins précédents. Les nouveaux textes encadrent aussi la protection des données personnelles, enjeu grandissant dans la sous-région.
Pour Me Constant Bissa, avocat au barreau de Brazzaville, « l’architecture juridique actuelle rapproche la République du Congo des standards internationaux tout en respectant ses spécificités administratives ». Le juriste note toutefois que l’application sur le terrain reste le véritable baromètre de la crédibilité du processus.
Maîtriser le corps électoral en 2025
L’objectif cardinal est de maîtriser le corps électoral avant le dépôt des candidatures de 2026. Les listes serviront de base au fichier biométrique déjà utilisé lors des législatives de 2022, dont les partenaires techniques avaient salué le taux d’exactitude supérieur à 95 %.
Cette année, les équipes miseront sur une double vérification : collecte manuelle dans plus de 4 000 centres d’enregistrement, puis consolidation informatique à Brazzaville, Pointe-Noire et Ouesso. Les doublons détectés seront automatiquement signalés aux commissions pour audition avant toute radiation.
Le ministère insiste sur l’enrôlement des primo-votants nés en 2008, symboles d’une génération numérique et connectée. Des campagnes radios et des séances d’itinérance sont programmées dès janvier 2025 pour réduire l’abstention chez ces jeunes urbains parfois éloignés des circuits administratifs classiques.
Commissions de terrain sous contrôle
Chaque commission départementale devra remettre un plan de travail détaillé, assorti d’indicateurs de performance. Les préfets, représentants de l’État, auront la responsabilité d’allouer le matériel reçu et de superviser l’intégrité des agents, tenus à une stricte obligation de réserve.
Les bureaux d’enregistrement, eux, devront remplir manuellement les fiches en lettres capitales. « Les ratures sont proscrites, une écriture illisible peut priver un citoyen de son droit de vote », rappelle avec fermeté Jean Claude Etoumbakoundou, conscient des critiques passées sur les irrégularités graphiques.
Pour renforcer la transparence, le gouvernement prévoit des missions d’observation mixtes associant la société civile, des universitaires et les partenaires de la CEEAC. Plusieurs diplomates à Brazzaville saluent déjà cette ouverture, jugée conforme aux engagements pris lors du Dialogue national inclusif.
Enjeux politiques pour 2026
Si la révision des listes demeure une opération administrative, son impact politique est évident. Un fichier crédible conditionne l’acceptation des résultats, notamment par une opposition fragmentée mais toujours attentive aux signaux d’ouverture envoyés par le chef de l’État, Denis Sassou Nguesso.
Du côté de la majorité, l’effort consenti pour moderniser les listes est vu comme un investissement dans la stabilité. « La paix se gagne aussi par l’exactitude des chiffres », observe un député du PCT, soulignant que le Congo reste un havre de sécurité régionale.
Plusieurs chancelleries occidentales considèrent déjà la présidentielle de 2026 comme un test de maturité démocratique pour Brazzaville, à l’heure où la région connaît des soubresauts institutionnels. La qualité des listes pourrait peser dans l’évaluation de la gouvernance et dans l’attraction d’investissements.
Une étape clé vers le scrutin
Les formateurs prendront la route dès la semaine prochaine, avec pour ambition de couvrir 213 communes et districts en moins d’un mois. Un défi logistique que l’État entend relever grâce au parc automobile récemment renouvelé et à la numérisation des bulletins de suivi.
Le gouvernement table sur une première liste provisoire mi-novembre 2025, avant la phase de contentieux. Les électeurs disposeront de quinze jours pour vérifier leur inscription. L’objectif est de publier le fichier définitif en janvier 2026, laissant deux mois aux candidats pour leurs stratégies.
En renforçant la transparence et la rigueur, Brazzaville cherche à aborder l’élection présidentielle avec confiance. À ce stade, la révision des listes électorales apparaît comme l’un des chantiers emblématiques d’un régime qui fait de la stabilité un levier diplomatique et économique.
Selon un diplomate de l’Union africaine, la fluidité du processus de révision pourrait même ouvrir la voie à une observation continentale renforcée, « gage supplémentaire de sérénité pour les acteurs politiques comme pour les investisseurs internationaux ».