Contexte politique avant 2026
A huit mois de l’ouverture officielle de la campagne présidentielle, Brazzaville respire déjà l’air des grands rendez-vous. Les états-majors affûtent stratégies tandis que le pouvoir rappelle les réussites macroéconomiques engrangées depuis 2021, malgré un contexte mondial volatil.
La récente croissance de 3,2 % et la stabilisation du franc CFA obtenues grâce au programme FMI-CEEAC sont brandies comme gages de continuité. Dans ce décor, l’opposant Mélaine Destin Gavet tente d’imposer la notion de rupture constructive.
Le livre-programme comme outil stratégique
Mardi 12 août 2025, le Mouvement républicain a réuni ses présidents fédéraux au cœur du quartier Diata. L’objectif: décrypter la matrice idéologique condensée dans «Le changement vers un Congo prospère», manifeste tiré à cinq mille exemplaires.
Devant une salle compacte, Gavet a reconnu que sa formation, souvent cantonnée à la critique, devait désormais «proposer un cap» crédible. Le document prône réforme institutionnelle, digitalisation intégrale de l’administration et souveraineté monétaire graduelle.
Soutenus par plusieurs économistes de la diaspora, les cadres du MR affirment que leur feuille de route est budgétairement réaliste. Ils avancent un coût de 2,8 milliards USD, financés par réaffectation de subventions et mobilisation d’investissements privés.
La réponse mesurée du camp présidentiel
Au Palais du Peuple, l’entourage de Denis Sassou Nguesso se félicite de voir l’opposition «entrer enfin dans le débat programmatique». Un conseiller souligne toutefois que plusieurs idées de Gavet, comme le guichet unique numérique, sont déjà en phase pilote.
Le gouvernement rappelle la création l’an dernier de l’Agence nationale de cyberservices, résultat d’un partenariat avec la Banque mondiale. «La modernisation est en cours, nous préférons l’accélérer plutôt que la recommencer», confie une source au ministère du Plan.
Sur la souveraineté monétaire, les proches du chef de l’État jugent qu’un débat régional s’impose, rappelant que la zone CEMAC offre stabilité et discipline budgétaire. Cette prudence est saluée par plusieurs partenaires financiers, attentifs à la trajectoire de la dette.
Question sociale au cœur de la bataille électorale
Les analystes convergent: l’accès aux services sociaux pèsera davantage que les slogans institutionnels. Dans son ouvrage, Gavet envisage un fonds spécial de sécurité sanitaire. Le pouvoir, lui, mise sur l’hôpital général de Kintélé livré en avril pour illustrer son action.
Selon les chiffres officiels, cet établissement ultramoderne a réduit de 17 % les évacuations sanitaires extérieures au deuxième trimestre. Des ONG de patients appellent désormais à tripler le budget de fonctionnement, une revendication que les deux camps promettent d’examiner.
Sécurité et diplomatie, des thèmes transversaux
La stabilité régionale demeure une préoccupation partagée. Le Congo a récemment renforcé la coordination avec la République centrafricaine contre les groupes transfrontaliers. Brazzaville, qui accueille l’État-major de la Force multinationale, insiste sur la continuité des engagements sécuritaires.
Mélaine Destin Gavet ne s’oppose pas frontalement à cette politique, mais propose d’y adjoindre une diplomatie économique plus offensive, tournée vers les pays du Golfe et l’Inde. Le cabinet présidentiel souligne que plusieurs protocoles sont déjà signés dans ces directions.
Configuration électorale et stratégies de coalition
Le corps électoral devrait dépasser 2,7 millions d’inscrits après la révision biométrique lancée en septembre. Pour le Parti congolais du travail, majoritaire, la priorité consiste à consolider le front des vingt-six formations alliées autour d’une plateforme de soutien.
Le MR, minoritaire à l’Assemblée, mise sur un accord technique avec l’Union panafricaine pour la démocratie sociale. Des négociations discrètes se poursuivent, mais plusieurs ténors craignent la clause d’unanimité imposée par Gavet concernant le maintien d’un seul ticket présidentiel.
Rôle des partenaires internationaux
L’Union européenne a dépêché en juillet une mission exploratoire chargée d’évaluer les besoins logistiques du scrutin. Bruxelles insiste sur la transmission électronique des procès-verbaux, un point que le gouvernement juge «réalisable» après les tests menés lors des législatives partielles.
La Banque africaine de développement, pour sa part, conditionne son enveloppe d’appui budgétaire 2026 à la publication trimestrielle des rapports de dépense. Cette exigence rejoint l’engagement pris par Brazzaville dans l’accord de facilité élargie conclu l’an dernier avec le FMI.
Perspectives à court terme
À mesure que la fenêtre électorale se rapproche, les observateurs notent une décrispation du dialogue partisan. Les rencontres informelles entre le ministre de l’Intérieur et plusieurs formations d’opposition nourrissent l’idée d’un code de bonne conduite commun.
Pour le moment, ni la majorité ni le MR n’envisagent de contester la Commission électorale indépendante, dont la refonte engagée en 2024 a été saluée par l’ONU. Cette reconnaissance internationale pourrait peser sur la perception de légitimité post-scrutin.
Reste la variable abstention. Lors de la présidentielle de 2021, la participation officielle avait atteint 67 %. Les instituts de sondage tablent cette fois sur 70 %. La croissance économique et un climat sécuritaire apaisé pourraient favoriser cet objectif, soulignent plusieurs diplomates.