État de droit et horizon 2026
À trente mois du scrutin présidentiel du 10 mars 2026, la conversation politique congolaise se concentre sur un concept déterminant : l’État de droit. Synonyme de gouvernance et de justice, il s’impose comme cadre de référence pour les électeurs, le gouvernement et les bailleurs internationaux.
Le président Denis Sassou Nguesso, dont la majorité parlementaire reste solide, place régulièrement le respect des textes fondateurs au cœur de ses allocutions, arguant qu’aucune croissance durable n’est possible sans sécurité juridique pour les citoyens et les investisseurs.
Cette insistance trouve un écho chez les urbains, souvent critiques, mais attachés à la protection constitutionnelle de la liberté d’expression et de réunion inscrite à l’article 9, rappelée lors de la cérémonie du 15 août dernier.
Cap sur la stabilité institutionnelle
Pour le camp présidentiel, la stabilité institutionnelle constitue un atout majeur alors que la région connaît encore des tensions post-électorales, notamment en Afrique centrale, où plusieurs transitions militaires ralentissent les investissements.
Brazzaville compte utiliser cet avantage comparatif pour attirer des capitaux dans les télécoms et l’énergie, secteurs identifiés comme moteurs d’emplois par le Plan national de développement 2022-2026.
Les conseillers économiques du Palais se veulent rassurants : la feuille de route conserve les dépenses sociales prioritaires, condition jugée impérative pour éloigner la tentation populiste qui pourrait fragiliser la paix civile à l’approche du vote.
Justice et réformes engagées
Sur le volet judiciaire, le gouvernement a lancé en 2023 un programme de numérisation des greffes, salué par l’Union africaine pour sa capacité à réduire les lenteurs procédurales et à améliorer l’accès des justiciables aux décisions.
Le Conseil supérieur de la Magistrature a, pour sa part, intégré six nouveaux magistrats formés à l’étranger, illustrant la volonté officielle de renforcer l’indépendance des tribunaux évoquée par la société civile.
Dans un entretien, le professeur de droit Augustin Mabiala note toutefois que « l’autonomie juridictionnelle n’est jamais acquise », soulignant la nécessité d’un financement pérenne afin d’éviter toute confusion entre exigences politiques et décisions de justice.
Opposition et société civile
L’opposition parlementaire, emmenée par le député Guy Romain Okana, réclame la publication anticipée du calendrier électoral, estimant que la transparence logistique constitue la première pierre de l’État de droit et limiterait les rumeurs sur une prorogation des mandats.
Le ministère de l’Administration du territoire travaille sur un système biométrique, déjà testé à Pointe-Noire, afin de garantir un fichier électoral exhaustif, argument repris par les partisans du Chef de l’État pour défendre la modernisation en cours.
Les ONG locales, elles, insistent sur la nécessité d’une formation civique massive pour éviter que la technique ne devienne un frein à l’expression populaire, rappelant l’abstention record de 45 % constatée en 2021.
Diplomatie et image internationale
Sur le plan extérieur, Brazzaville mise sur une diplomatie tranquille pour rassurer les partenaires multilatéraux et obtenir de nouveaux dégels de fonds du FMI, conditionnés au respect des indicateurs de gouvernance. Ces signaux positifs servent aussi d’argument de campagne.
La tenue en avril dernier du Forum panafricain sur la transition énergétique a permis au chef de l’État de vanter la constance congolaise, contrairement aux suspensions de contrats observées chez certains voisins, et de signer trois protocoles avec TotalEnergies.
Les chancelleries occidentales, prudentes, notent que la stabilité sécuritaire demeure un critère déterminant pour l’acheminement des pipelines régionaux en discussion, ce qui confère à l’élection de 2026 une portée géopolitique dépassant les frontières nationales.
Vers un scrutin à haut enjeu
Au sein du Parti congolais du travail, des commissions thématiques sillonnent les départements pour collecter les doléances locales sur la santé, l’éducation et l’agriculture, avant d’élaborer le projet présidentiel attendu d’ici décembre.
Des sources internes laissent entendre que l’accélération de la couverture santé universelle pourrait devenir un argument central, répondant à une opinion publique marquée par la pandémie de Covid-19 et les pénuries passées de médicaments.
Chez les jeunes, première tranche démographique, les conversations sur TikTok portent autant sur les débouchés numériques que sur la nécessité de garanties procédurales en cas d’arrestation, signe que l’État de droit gagne le débat populaire.
Si les frustrations persistent, notamment sur le coût de la vie, le souvenir des troubles de 2015 incite une partie de l’électorat à privilégier une alternance graduelle plutôt qu’une rupture brutale susceptible d’effacer les acquis sécuritaires.
Analystes à Paris et Abidjan conviennent qu’un taux de participation supérieur à 60 % renforcerait la crédibilité du vainqueur et ouvrirait la voie à une levée des sanctions encore en vigueur sur le bois.
En coulisses, la Commission électorale indépendante peaufine un protocole de transmission des résultats par satellite, solution censée répondre aux critiques de 2021 relatives aux délais de compilation sur fond de pannes d’électricité.
Reste à savoir si la campagne parviendra à recentrer le discours sur les politiques publiques plutôt que sur les personnes, condition que plusieurs observateurs jugent indispensable pour consacrer l’État de droit comme véritable vainqueur de l’élection de 2026.