Diplomatie Unesco et résonance nationale
La bataille pour la direction générale de l’Unesco, où le Congolais Édouard-Firmin Matoko affronte la Mexicaine Gabriela Ramos et l’Égyptien Khaled El-Enany, concentre autant d’enjeux diplomatiques que de signaux envoyés vers la présidentielle congolaise de 2026.
A Brazzaville, des conseillers admettent que la visibilité gagnée par Matoko sert indirectement l’exécutif: «Chaque voix pour lui rappelle le rôle moteur du Congo dans la gouvernance mondiale», souffle un diplomate, convaincu que ce prestige pèsera sur l’humeur des urnes.
Le gouvernement répète que la compétition se jouera à Paris et non à Addis-Abeba, manière de rappeler son indépendance vis-à-vis des blocages habituels de l’Union africaine tout en soulignant la souveraineté qu’il défendra également lors du scrutin national.
Sassou Nguesso face à l’équation 2026
Sassou Nguesso n’a pas encore officialisé ses intentions, mais les cercles présidentiels évoquent sa «réquisition populaire». Pour eux, l’expérience accumulée depuis 1979 demeure, cite un proche, «un actif rassurant pour les partenaires et pour les marchés à l’orée de 2026».
Le chef de l’État s’appuie sur la comparaison historique de Franklin Roosevelt, régulièrement mise en avant par le Premier ministre Anatole Collinet Makosso, pour légitimer la continuité. L’argument résonne chez une classe moyenne encore marquée par les soubresauts des années 1990.
En parallèle, le Parti congolais du travail intensifie la mise à jour de ses instances locales afin d’éviter le vide organisationnel constaté lors de législatives partielles. Ce maillage territorial pourrait constituer un avantage décisif face à une opposition fragmentée.
Candidats déclarés et recherche de crédibilité
Pour l’instant, seules quelques figures de second plan, comme Lassy Mbouity, ont annoncé leur intention de concourir. Privés de structures nationales robustes, ces challengers misent sur les réseaux sociaux, mais peinent à transformer les likes en machines électorales crédibles.
Certains diplomates occidentaux interrogés à Bruxelles reconnaissent cependant que «l’élection reste ouverte faute d’annonce officielle du parti au pouvoir». Leur prudence traduit la tradition congolaise de candidatures tardives, stratégie qui complique les projections des observateurs indépendants.
Détenus politiques, perception et réalpolitik
Le sort de Jean-Marie Michel Mokoko et André Okombi Salissa continue d’alimenter des rapports d’ONG. Le gouvernement réplique qu’il «respecte la séparation des pouvoirs» et qu’aucune grâce collective n’est à l’ordre du jour, sans fermer la porte à des gestes individuels.
Dans la majorité, on souligne que beaucoup de pays accordent difficilement des remises de peine à des acteurs accusés d’atteinte à la sûreté de l’État. «Le Congo ne saurait être plus catholique que Rome», glisse un sénateur, rappelant le précédent catalan en Espagne.
Côté opposition, les avocats dénoncent une «caporalisation de la justice». Pourtant, des médiateurs de la Conférence épiscopale affirment qu’un dialogue discret s’est ouvert sur des libérations conditionnelles, preuve que les canaux de négociation demeurent avant la séquence électorale.
Jeunesse électorale et stabilité institutionnelle
Plus de soixante pour cent des électeurs potentiels auront moins de 35 ans en 2026. Le ministre de la Jeunesse, Hugues Ngouélondélé, promet d’élargir le programme d’apprentissage numérique lancé en 2022, «afin que le vote ne devienne pas une chambre d’écho Twitter».
Cette tranche d’âge exprime une fatigue vis-à-vis des violences post-électorales passées. Les sondages internes du PCT indiquent que la sécurité et l’emploi priment sur l’alternance abstraite, ce qui explique la communication insistante du gouvernement sur les chantiers d’infrastructures numériques et routières.
Soutiens régionaux et jeu avec l’Union africaine
Le Caire assure s’appuyer sur une pseudo-consensus africain pour l’Unesco. Brazzaville répond qu’aucun texte de l’UA ne lie les diplomates à une candidature unique. Cette posture de fermeté sert de répétition générale pour d’éventuelles pressions extérieures lors de la campagne présidentielle.
Luanda a déjà confirmé un vote pro-Matoko, soulignant «la solidarité née de la lutte anticoloniale». Kinshasa, plus prudente, attendrait, selon une source onusienne, des assurances sur la réouverture du pont route-rail qui pourrait dynamiser le corridor économique commun avant 2026.
Dans les chancelleries européennes, on estime que le Congo joue «avec habileté» la carte régionale pour contrer le lobbying français sur l’Unesco. Cette attitude pourrait préfigurer une diplomatie de campagne centrée sur l’autonomie stratégique plutôt que sur l’alignement traditionnel.
Calendrier, transparence et dynamique économique
La commission électorale publiera fin 2024 le fichier révisé. Les observateurs de la CEEAC saluent déjà le remplacement du stylo-bille par l’encre indélébile dans les bureaux tests, un détail technique mais symbolique du souci affiché de transparence par les autorités.
Sur le front macroéconomique, le FMI prévoit une croissance de quatre virgule deux pour cent en 2025 grâce au redressement pétrolier et aux investissements routiers cofinancés par Pékin. Brazzaville espère que ces chiffres créeront un terrain favorable à une campagne apaisée en 2026.
Cybersécurité et observateurs numériques
Le gouvernement teste actuellement un portail de vérification en ligne des procès-verbaux, accessible à distance par les représentants des candidats. L’outil, développé avec l’appui d’ingénieurs rwandais, doit réduire les suspicions de bourrage d’urnes.
Des activistes craignent néanmoins une censure possible des plateformes. Le ministre de la Communication répond que «seule la désinformation sera ciblée, jamais la critique», promettant la publication mensuelle de rapports techniques cosignés par les opérateurs télécoms.