Une conférence nationale sous le signe de 2026
Brazzaville accueillera du 28 au 30 août la Conférence nationale des délégués du mouvement « Le Patriarche », bras politique de la Génération auto-entrepreneur. À deux ans du scrutin présidentiel de 2026, l’initiative se présente comme un laboratoire stratégique pour la majorité.
Le coordonnateur général, Digne Elvis Tsalissan, promet un temps « d’évaluation, de partage et de projection ». Les travaux porteront sur le rôle des masses populaires dans la préparation électorale, thème qui résonne avec les priorités affichées par le gouvernement.
Si la conférence reste une initiative partisane, son calendrier, à la veille de la révision extraordinaire des listes, confirme l’importance accordée au cadrage institutionnel voulu par Brazzaville : encadrer la participation citoyenne sans céder aux improvisations souvent critiquées par les observateurs.
Jeunesse et entrepreneuriat au cœur du récit
La GAE revendique l’accompagnement de près de trente mille jeunes entrepreneurs via l’opération « Matissa affaire avec loboko ya Patriarche ». Pour le pouvoir, qui fait de la diversification économique une priorité, ce réseau sert de vitrine à une politique d’inclusion économique plus large.
Selon les chiffres communiqués par le ministère en charge de la Jeunesse, les dispositifs publics et privés de micro-crédit ont injecté plus de 4 milliards de francs CFA dans ces projets depuis 2021, avec un taux de remboursement supérieur à 80 %, signe d’un écosystème en maturation.
L’économiste Florent Ibata estime que « le couplage entre soutien à l’auto-emploi et mobilisation électorale crée une symbiose intéressante ». Il prévient toutefois qu’un encadrement transparent reste indispensable pour éviter que les subventions publiques ne se confondent avec le financement partisan.
Pour l’heure, le gouvernement salue la démarche. Au cabinet du Premier ministre, un conseiller affirme que « la jeunesse doit transformer son poids démographique en gain économique, puis en voix politiques éclairées ». L’argument sera central dans la narration de campagne du président sortant.
Parrainages : l’heure de la structuration
La Conférence des délégués doit entériner la création de comités de soutien dans les 125 entités administratives. L’objectif affiché est de quadriller le territoire avant la phase de collecte des parrainages exigée par la réforme électorale adoptée en 2022.
Les équipes de terrain prévoient une méthode inspirée du recensement: découpage des quartiers, cartographie des chefs d’îlots, digitalisation des signatures. La plateforme « Sassou 2026 » testée pendant les législatives de 2022 serait réactivée, selon un document interne consulté par la rédaction.
Officiellement, ces dispositifs visent à sécuriser la chaîne de parrainage et à prévenir les contentieux. Les oppositions redoutent une captation des données personnelles, mais la Commission électorale rappelle que la loi sur la protection des données est entrée en vigueur en janvier.
Listes électorales, première épreuve de crédibilité
Le ministère de l’Administration du territoire a fixé au 5 septembre l’ouverture officielle de la révision extraordinaire des listes. C’est la première étape du calendrier qui mènera à la présidentielle ; elle sera surveillée par des missions d’observation sous-régionales.
L’enjeu est double : fiabiliser le fichier et accroître la participation, particulièrement en zone rurale où 45 % des électeurs potentiels ne sont pas inscrits, selon l’Institut national de la statistique. Brazzaville mise sur la biométrie mobile pour combler ce retard.
Le président de la Commission électorale, Henri Bouka, prévient que « ce scrutin sera jugé à l’aune de la qualité du fichier ». Il assure avoir sollicité l’appui technique de l’OIF et de l’Union africaine « pour garantir la crédibilité du processus ».
Du côté gouvernemental, l’on se félicite de cette ouverture. « Nous n’avons rien à cacher », insiste un haut fonctionnaire, rappelant que le Congo a déjà piloté des scrutins certifiés par des observateurs internationaux en 2021 et 2022.
Entre scénarios et diplomatie d’influence
Pour les analystes, la dynamique autour de « Le Patriarche » illustre la capacité du président Sassou Nguesso à fédérer des réseaux sociétaux plutôt que de se limiter aux partis traditionnels. Cette approche de gouvernance en arche s’est renforcée depuis la pandémie.
La question principale reste la concurrence interne. Certains cadres du Parti congolais du travail souhaiteraient des primaires symboliques. Le chef de l’État ne s’y oppose pas, confie un élu, « à condition que l’unité demeure le point d’arrivée ». L’idée pourrait être tranchée courant 2025.
D’ici là, la majorité espère capitaliser sur la stabilité macro-économique retrouvée grâce à la remontée du baril et au programme FMI. Au cœur de cette narration, la jeunesse entrepreneuriale se veut la preuve tangible d’une « Croissance partagée » que le président promet de consolider en 2026.
Sur le front diplomatique, Brazzaville met en avant la tenue régulière des dialogues citoyens et son rôle de médiateur régional pour convaincre les partenaires d’accompagner financièrement les réformes électorales. Cette stratégie vise aussi à neutraliser les critiques sur la longévité du pouvoir.
À deux ans du scrutin, rien n’est joué, mais les premiers signaux indiquent une mobilisation méthodique de la majorité autour de la figure présidentielle. Reste à savoir si cette organisation, couplée aux garanties institutionnelles, suffira à convaincre une opposition toujours morcelée.