Une campagne déjà teintée de chlorophylle
Lorsque les premiers meetings officiels s’ouvriront dans quelques mois, les affiches rivaliseront de slogans sur l’emploi ou les infrastructures. Pourtant, c’est l’argument environnemental qui, en coulisse, structure l’architecture programmatique de la majorité sortante. Les conseillers politiques du Palais du Peuple ne s’en cachent pas : la mise en récit de quarante années d’action climatique constitue un socle de confiance rare dans la région et, par conséquent, un levier précieux pour 2026.
Un héritage forestier devenu marqueur de crédibilité
Le président Denis Sassou Nguesso a instauré la Journée nationale de l’arbre dès 1981, bien avant que l’Accord de Paris ne devienne la boussole des chancelleries. Cette antériorité confère au chef de l’État un vernis d’authenticité difficilement contestable, même par les oppositions les plus pugnaces. Le Plan national de développement 2018-2022 a ancré la dimension climatique dans l’ensemble des politiques publiques, tandis que le ministère conduit par Arlette Soudan-Nonault consolide la stratégie par une série d’aires protégées, dont Ntokou-Pikounda, désormais cité comme modèle par l’Union internationale pour la conservation de la nature.
Dans l’optique de la présidentielle, rappeler ce fil chronologique permet de positionner l’exécutif non comme un gestionnaire ponctuel mais comme l’architecte d’un projet de longue haleine, cohérent avec les engagements du pays au sein de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.
Diplomatie verte : un passeport électoral
Le Sommet des trois bassins, accueilli à Brazzaville en 2023, a donné au gouvernement une visibilité internationale inédite. En réunissant les États amazoniens, les pays d’Asie du Sud-Est et les nations du bassin du Congo, la diplomatie locale a montré sa capacité à fédérer des intérêts parfois antagonistes. Selon des sources diplomatiques, cette stature confère aux négociateurs congolais une solide légitimité pour exiger des compensations carbone plus élevées, enjeu décisif pour financer le prochain quinquennat.
Les stratèges électoraux voient dans cette reconnaissance extérieure un effet miroir : si la communauté internationale crédite le Congo d’un rôle de leadership écologique, les électeurs nationaux pourraient en conclure que la continuité politique demeure la voie la plus sûre pour maintenir ce prestige.
Une économie décarbonée pour rassurer les investisseurs
De la Banque mondiale à l’Agence française de développement, les bailleurs affichent leur confiance dans la gouvernance climatique congolaise. Les 65 millions de dollars obtenus auprès de l’Initiative pour la forêt d’Afrique centrale, ou encore les crédits du Fonds pour l’environnement mondial, alimentent des programmes REDD+ qui ont déjà permis de réduire la déforestation de 50 % selon le ministère des Finances. L’exécutif met en avant ces chiffres comme preuves de rigueur, gage de stabilité pour les capitaux étrangers.
Sur le terrain, le Programme national d’afforestation et reboisement a converti la symbolique plantation d’acacias de Bambou-Mingali en plateforme d’innovation agrosylvicole. Le discours de campagne entend valoriser cette dynamique comme démonstration qu’une croissance bas-carbone peut, sans dogmatisme, générer emplois ruraux et recettes fiscales.
Communautés et jeunesse : relais d’une vision inclusive
Dans la perspective du scrutin, la participation communautaire n’a rien d’un supplément d’âme. Les programmes d’agroforesterie, d’écotourisme et les formations destinées aux femmes rurales permettent de tisser un réseau de soutiens locaux que les équipes de campagne considèrent stratégique, notamment dans les départements les plus enclavés. Le gouvernement communique déjà sur ces « ambassadrices vertes » dont les récits personnels humanisent une politique parfois jugée technocratique.
La jeunesse urbaine, sensible aux enjeux climatiques globaux, constitue un autre segment électoral convoité. Les hackathons organisés autour de la cartographie des incendies ou du suivi satellitaire des parcs nationaux, en partenariat avec plusieurs start-up, démontrent que l’État peut se prévaloir d’une gouvernance ouverte et technologique, narrative qui répond aux aspirations d’une génération connectée.
Gouvernance et transparence : vers un pacte environnemental 2026-2031
Conscient que la durabilité se mesure aussi à l’aune de la reddition de comptes, le pouvoir a récemment renforcé l’Autorité nationale de contrôle et de traçabilité du bois, désormais dotée d’un comité d’audit auquel siègent deux représentants de la société civile. Cette ouverture, saluée par plusieurs observateurs de la Banque africaine de développement, constitue un argument de poids pour convaincre les électeurs que la manne verte ne sera pas confisquée.
Dans les cercles gouvernementaux, l’idée circule déjà d’un Pacte environnemental 2026-2031. Le document, encore à l’état d’ébauche, articulerait des objectifs chiffrés de captation carbone, des quotas d’énergies renouvelables et des engagements de transparence budgétaire. Présenté avant la campagne officielle, il pourrait servir de matrice programmatique et resserrer un consensus national autour de la valorisation du bassin du Congo.
La forêt comme urne symbolique
À mesure que se précise l’agenda électoral, la conservation des 22 millions d’hectares de couverture forestière devient bien plus qu’une question sectorielle. Elle se mue en indicateur de souveraineté, d’attractivité économique et, in fine, de légitimité démocratique. Aux yeux de nombreux diplomates, la présidentielle sera un test grandeur nature : la continuité politique saura-t-elle capitaliser sur la trajectoire verte sans perdre l’élan réformateur ?
En attendant l’ouverture officielle des candidatures, un fait demeure : sur l’échiquier continental, rares sont les États capables de conjuguer leadership environnemental, stabilité institutionnelle et vision à long terme. Le Congo Brazzaville revendique cette singularité et entend la faire valoir devant les électeurs autant que devant le reste du monde.