Ouesso, nouvelle étape d’un maillage national
À moins de douze mois du scrutin présidentiel de 2026, chaque mouvement politique affûte ses ressorts. L’installation, le 12 août 2025 à Ouesso, du bureau fédéral de l’Union pour la nation (U.n) dans la Sangha apporte une pièce nouvelle au jeu électoral.
Le président du parti, Félix Guy Charles Paul Manckoundia, a justifié le choix de ce département frontalier en rappelant que « la Sangha, pilier indispensable de notre nation, doit peser dans le développement harmonieux du pays ». La phrase résonne comme un appel à la mobilisation locale.
Avec ce nouveau maillon organisationnel, U.n revendique désormais une implantation dans douze des douze départements congolais. Pour un parti créé il y a un peu plus d’un an, la performance intrigue observateurs et diplomates, d’autant qu’elle se fait sans frictions apparentes avec les institutions.
La Sangha, carrefour électoral stratégique
Le contexte national joue en faveur de ces initiatives satellites. Brazzaville, conscient de la nécessité d’un climat apaisé pour garantir la crédibilité de l’échéance 2026, laisse s’exprimer un pluralisme contrôlé tant que les formations respectent l’équilibre républicain et le socle de stabilité porté par le chef de l’État.
Dans la Sangha, 68 000 électeurs sont attendus aux urnes selon la Commission nationale électorale indépendante. Leur poids reste modeste au plan national, mais cette région forestière concentre des corridors commerciaux vers le Cameroun et la Centrafrique, dont l’activité influence directement le revenu des ménages locaux.
Le gouvernement y finance actuellement la route Ouesso–Pokola et un programme solaire pilote. Ces projets, portés par le plan de développement national 2022-2026, sont régulièrement mis en avant par la présidence comme preuves tangibles d’un « investissement cohérent au profit des périphéries ».
Un centriste pas tout à fait outsider
Félix Manckoundia se définit comme le promoteur d’une troisième voie « ni opposition radicale, ni alignement béat ». Pour autant, ses prises de position sur la sécurité ou la diplomatie rejoignent souvent la ligne institutionnelle, alimentant l’idée d’une opposition de collaboration plutôt qu’une alternative frontale.
Ce positionnement intéresse le palais présidentiel, soucieux de fédérer autour du statu quo macroéconomique défendu par Denis Sassou Nguesso. Un cadre du Parti congolais du travail glisse même, sous anonymat, que « la voix de l’U.n pourrait faciliter le débat sans fracturer la cohésion nationale ».
Calendrier électoral et règles du jeu
La révision des listes électorales est annoncée pour mars 2026. Les candidats auront alors quarante-cinq jours pour déposer leurs dossiers auprès de la Cour constitutionnelle. À Brazzaville, on ne cache pas la volonté d’un scrutin maîtrisé, ponctualité incluse, afin d’éviter les critiques internationales.
Dans ce cadre, l’U.n se dit prête à participer aux concertations techniques sur la biométrie, tout en rappelant qu’elle ne disposera pas encore d’élus à l’Assemblée nationale. L’enjeu est donc double : exister institutionnellement et conquérir des suffrages dans un environnement balisé.
Le regard des bailleurs
La Banque africaine de développement et la Banque mondiale, qui financent plusieurs programmes sociaux, surveillent l’évolution du pluralisme politique. Un diplomate européen confie que « la stabilité prime », mais ajoute que la visibilité de visages nouveaux constitue « un signal encourageant pour la participation citoyenne ».
Pour l’exécutif, ces paroles confortent la stratégie d’ouverture contrôlée. Le ministère de l’Intérieur insiste sur la sécurité dans le nord, théâtre ponctuel de braconnage et de trafics. Associer l’U.n à la sensibilisation civique permettrait de mutualiser efforts logistiques et messages institutionnels.
Enjeux pour la jeunesse et la diaspora
L’U.n mise sur ses sections jeunes pour tisser un réseau numérique capable de toucher les milliers de Souchéens installés à Brazzaville ou à Paris. Une application interne, actuellement en test, diffusera bientôt les comptes rendus des réunions de quartier et des formations au leadership.
Cette stratégie rejoint la volonté gouvernementale de lutter contre l’abstention, notamment dans la diaspora, où l’on avait observé une participation inférieure à 20 % en 2021. Le ministère des Affaires étrangères prépare d’ailleurs le doublement des bureaux de vote dans les consulats.
Perspectives régionales et géopolitiques
L’essor de partis centro-progressistes est observé dans toute l’Afrique centrale, du Gabon au Rwanda. Pour Brazzaville, accueillir ces formations sans céder à une instabilité type Sahel permet d’affirmer une singularité : modernisation politique, mais maintien d’une continuité institutionnelle sous le leadership de Denis Sassou Nguesso.
À Ouesso, les membres du nouveau bureau jurent fidélité à la Constitution et saluent les initiatives sous-régionales, telle la Transafrican Highway, argumentant que seule une administration forte peut sécuriser les corridors. Le discours résonne, là encore, avec la doctrine de Brazzaville.
Un pas de plus vers 2026
En capitalisant sur un enracinement territorial maîtrisé, l’U.n entend présenter un candidat crédible ou, à défaut, négocier une alliance gouvernementale. Pour la majorité présidentielle, encourager ces dynamiques sans perdre la main assure un scrutin compétitif, mais dépourvu d’incertitude majeure sur la stabilité future.
Reste une inconnue : la capacité logistique du jeune parti à former des assesseurs formés dans chaque centre de vote. Manckoundia assure disposer d’un « pool de juristes bénévoles ». Le ministère de l’Administration territoriale promet, lui, une session de formation commune en juin.