Le déclencheur de la polémique
La récente initiative de l’État malien de mettre en audit les comptes des partis politiques dissous a généré de vives réactions parmi les leaders politiques du pays. Notamment, Me Mountaga Tall, figure emblématique de la démocratie malienne et avocat de renom, a vivement critiqué cette décision. Selon lui, cet audit, initié par une note de la Section des comptes de la Cour suprême, est une « opération de discrédit » aux yeux de la population. L’audit demanderait aux anciens dirigeants des partis, dissous par décret le 13 mai 2025, de produire des documents comptables allant jusqu’à mai de la même année. Or, depuis leur dissolution, ces partis n’ont plus d’existence légale, rendant de facto l’audit impossible.
Un paradoxe juridique dénoncé
Me Tall clame l’illégalité de cette demande. Lors de son annonce, l’avocat soulignait le caractère inapplicable de l’audit. En effet, les formations politiques, désormais caduques, ne peuvent ni rassembler les documents requis ni opérer formellement, leurs structures ayant été démantelées et l’accès à leurs archives interdit. Le décret de dissolution prohibe toute activité politique de ces entités, y compris l’utilisation de locaux, ce qui rendrait, selon lui, cette convocation nulle et non avenue. En souriant de la situation, Me Tall reprend une caricature mordante : « On demande à un mort de participer à ses funérailles ».
Des répercussions politiques inquiétantes
Pour de nombreux observateurs, cette exigence du gouvernement malien apparaît davantage comme une tentative de dénigrement que comme un réel besoin de transparence financière. La participation forcée à un audit improbable est perçue par plusieurs comme une stratégie visant à discréditer les formations politiques dissoutes, ce que soutient Me Tall. L’ancien ministre martèle l’absence de fondement juridique à cette démarche, insistant sur le fait que les partis ont été abolis de manière abrupte sans véritable période de transition administrative.
Me Tall, fidèle à sa vocation juridique, exhorte à l’abstention de répondre à une telle convocation pour respecter la légalité, bien que le décret de dissolution soit controversé. Ses paroles résonnent parmi d’autres anciens responsables politiques qui estiment l’audit précipité et inacceptable.
Les implications pour la démocratie malienne
Cet épisode s’inscrit dans une période délicate pour le Mali, où la suppression du multipartisme pose des questions essentielles sur l’avenir de la démocratie. Plusieurs acteurs politiques redoutent que cette campagne ne soit qu’une étape vers un affaiblissement délibéré des forces civiles. Le geste de l’État malien ouvre un nouveau chapitre de tensions, risquant de nuire davantage à la relation fragile entre les instances gouvernementales et les campagnes politiques. Dans un contexte déjà marqué par l’incertitude, l’initiative de cet audit accroît les inquiétudes quant à l’espace démocratique et à la participation citoyenne dans le pays.