Renouvellement stratégique de l’Ofc Likouala
Le 10 août, à Impfondo, l’Organisation des femmes du Congo a renouvelé sa direction départementale. L’élection de Mme Moungbende Ballay, née Kemenguet, à la présidence fédérale, intervient alors que les formations politiques affûtent déjà leurs stratégies pour la présidentielle de 2026.
Sous l’œil attentif de la ministre Inès Nefer Ingani Voumbo Yalo, les déléguées ont insisté sur la cohésion interne et sur la mobilisation des électrices rurales, considérées comme un réservoir décisif dans un département où le vote féminin a progressé de 12 % entre 2016 et 2021.
Quel poids électoral pour les femmes en 2026
Selon le Centre d’études politiques de Brazzaville, les femmes représentent désormais 53 % du corps électoral national. Dans la Likouala, leur participation dépasse la moyenne grâce aux programmes d’alphabétisation et aux coopératives maraîchères soutenues depuis 2018 par le gouvernement et ses partenaires.
Cette dynamique oblige chaque parti à affiner son discours de genre. Le Parti congolais du travail, dont dépend l’Ofc, mise sur un triptyque : accès aux terres, microcrédit et leadership communautaire. L’opposition explore, elle aussi, des têtes d’affiche féminines, notamment à Impfondo et Bétou.
« Une candidate crédible sur trois suffrages féminins peut déplacer 2 % des voix au second tour », note l’analyste Édouard Mabiala, rappelant que le différentiel de 2016 s’établissait à 1,9 %. La statistique n’échappe pas aux stratèges présidentiels de Brazzaville.
La place du Parti congolais du travail
Dominant la scène depuis plus de quatre décennies, le PCT conserve un maillage territorial dense. Dans la Likouala, ses cellules féminines se sont multipliées de 30 % en cinq ans, favorisant une diffusion accélérée du message de stabilité et de continuité chère au chef de l’État.
La récente nomination de cadres originaires du Nord dans les instances nationales du parti a, selon plusieurs élus locaux, renforcé le sentiment d’inclusion. « La campagne de 2026 se gagnera sur la cohésion régionale », assure le député Hervé Ganao, qui supervise la cartographie électorale.
Défis socio-économiques à Impfondo
Malgré ses richesses halieutiques et forestières, la Likouala reste l’un des départements les moins densément peuplés. L’accès routier saisonnier et la faiblesse des réseaux de télécommunication compliquent la mobilisation électorale, d’où l’importance accordée à la radio communautaire et aux caravanes fluviales.
Le gouvernement a débloqué, en avril dernier, un fonds de 2,5 milliards de francs CFA pour achever la route Impfondo-Ouesso. Ce chantier, qualifié de « priorité républicaine » par la ministre Ingrid Ebossa, est présenté comme un accélérateur de développement mais aussi de participation électorale.
Les femmes leaders insistent toutefois sur l’accès à l’eau potable et à l’électricité, sans lesquels la promesse d’autonomisation économique resterait théorique. L’Ofc propose un suivi participatif des projets financés, afin de crédibiliser davantage le message gouvernemental auprès des ménages riverains.
Perspectives régionales et diplomatiques
Située à la frontière de la République démocratique du Congo et de la République centrafricaine, la Likouala subit directement les soubresauts sécuritaires de ses voisins. Brazzaville souhaite donc afficher, à l’orée de 2026, une image de barrière de stabilité crédible jusqu’aux confins fluviaux.
Le récent déploiement d’un peloton fluvial mixte, salué par l’Union africaine, vient rassurer les opérateurs forestiers et pétroliers dont les quotas fiscaux financent une part du budget social. Cette pacification progressive pourrait influencer positivement le sentiment électoral pro-gouvernemental.
Vers une campagne apaisée et inclusive
Les autorités électorales planchent sur l’introduction du vote électronique pilote dans trois chefs-lieux, dont Impfondo, afin de réduire les litiges. L’opposition demeure prudente mais reconnaît que la numérisation du registre a déjà limité les doublons observés en 2021.
Pour la première fois, la Commission nationale des droits de l’homme a obtenu un budget autonome, facilitant le déploiement d’observateurs locaux. « Une transparence accrue profiterait d’abord à la majorité, souvent accusée à tort », argue l’universitaire Carine Oko, spécialiste des processus électoraux.
De son côté, l’Ofc prévoit une charte d’engagement éthique que chaque candidate ou coordinateur de section devra signer. L’objectif est d’éviter la prolifération de fausses informations sur les réseaux sociaux, un enjeu déjà pointé par la Haute autorité de la communication.
Regards d’experts sur la dynamique féminine
Pour Marie-Josée Ibonga, sociologue à l’Université Marien-Ngouabi, « l’activisme féminin en contexte rural reste sous-estimé ». Elle souligne que les campagnes de santé maternelle, souvent menées par l’Ofc, débouchent sur des réseaux d’influence capables de faire basculer des bureaux de vote entiers.
Le politologue français Thierry Vircoulon rappelle que la densité hydrographique de la Likouala oblige à penser la logistique politique différemment. « Celui qui contrôle les pirogues contrôle le scrutin », résume-t-il, estimant que les femmes commerçantes sont déjà des relais naturels pour tout message électoral.
À quinze mois de l’ouverture officielle de la campagne, les signaux convergent : l’électorat féminin de la Likouala pourrait se révéler l’un des arbitres silencieux du scrutin. Sa mobilisation, favorable à la stabilité, constitue un atout non négligeable pour le président sortant.
Reste la question de la transition générationnelle au sein même de l’Ofc. Les nouvelles élues promettent d’ouvrir leur bureau aux plateformes numériques pour dialoguer avec les jeunes électrices urbaines, un segment que les partis adverses convoitent activement depuis les législatives de 2022.