Une mobilisation locale à portée nationale
Réunis à Brazzaville, les cadres et sympathisants de l’Association pour le développement de l’axe Liboka ont officiellement sollicité, le 27 juillet, une nouvelle candidature du président Denis Sassou-Nguesso pour le scrutin de 2026 (ACI). L’initiative, bien que géographiquement circonscrite à une trentaine de villages du district d’Oyo, tranche par son ambition : faire de l’enracinement local le socle d’une dynamique électorale nationale. En organisant, dans la foulée, une collecte de fonds dont le montant reste confidentiel, l’Adal illustre le retour en grâce de la micro-mobilisation communautaire, instrument traditionnel mais toujours efficace dans la politique congolaise.
Si certains observateurs y voient un geste prématuré à deux ans de l’échéance, l’association assume sa stratégie de « bande annonce » destinée à occuper le terrain symbolique avant l’entrée en lice officielle des candidats. « La stabilité n’est pas un slogan mais un acquis qu’il faut protéger », a rappelé son président, Maixent Raoul Ominga, devant un auditoire où l’argument de la sécurité continue de résonner avec force.
Le bilan économique et social au cœur des arguments
La rhétorique pro-candidature s’articule d’abord autour du bilan chiffré du septennat en cours. Le gouvernement revendique un taux de couverture en électricité passé de 40 % en 2016 à 60 % en 2023, la mise en service partielle de la Route Nationale 2 rénovée ainsi qu’une remontée progressive des indicateurs macroéconomiques après l’accord conclu avec le FMI en 2022. Dans le secteur de la santé, la modernisation de l’hôpital général d’Oyo sert de vitrine tangible, tandis que la gratuité des accouchements dans les établissements publics, prorogée jusqu’en 2025, continue de faire consensus.
Ces données ne sauraient masquer les fragilités structurelles : dette publique encore élevée, chômage urbain des jeunes et dépendance persistante à la rente pétrolière. Néanmoins, pour les partisans de la continuité, l’argument est clair : un chantier ouvert mérite d’être achevé par son maître d’œuvre. « Un changement brutal de cap renchérirait le coût social des réformes », confie un économiste proche du cabinet présidentiel.
L’opposition face à l’équation de la stabilité
Sur l’autre rive du spectre politique, l’opposition peine pour l’heure à cristalliser une alternative crédible. La plate-forme Dynamique pour l’Unité et la République, qui regroupe plusieurs figures de la société civile, affiche des désaccords stratégiques quant à la participation ou non au futur dialogue national. À cela s’ajoute la difficulté à lever des financements, contrainte accentuée par la récente loi sur la transparence des dons politiques.
Dans ce contexte, la stabilité revendiquée par le pouvoir devient un actif électoral déterminant. Les chancelleries occidentales, traditionnellement soucieuses de limiter les foyers de tension en Afrique centrale, observent avec pragmatisme la trajectoire congolaise. Un diplomate européen résume, en privé, l’état d’esprit ambiant : « L’enjeu n’est plus de savoir qui incarne le changement, mais qui garantit la non-rupture ».
Le jeu diplomatique régional en ligne de mire
Au-delà des frontières, Brazzaville cultive soigneusement une image de médiateur. Les bons offices offerts, en mars dernier, entre les frères rivaux du Tchad, et la participation active aux discussions sur le désarmement dans la région des Grands Lacs renforcent le capital politique du président Sassou-Nguesso, doyen des chefs d’État de la CEEAC. Dans une sous-région marquée par les transitions militaires et les secousses institutionnelles, l’argument de l’expérience acquiert une résonance particulière.
Le maintien d’un corridor logistique fonctionnel entre Pointe-Noire et Bangui, vital pour la Centrafrique, illustre le rôle pivot du Congo dans l’intégration économique sous-régionale. Ce positionnement consolide un réseau d’alliances dont l’utilité électorale n’échappe pas aux stratèges du Palais du Peuple : chaque médiation réussie alimente le récit d’un leadership conciliant.
Vers 2026, le pragmatisme comme fil conducteur
À moins de mille jours du scrutin, la bataille des récits s’esquisse. Entre un modèle qui revendique son efficacité incrémentale et des opposants qui plaident pour une refondation institutionnelle rapide, l’électorat devra arbitrer au prisme de priorités souvent contrastées. Les classes urbaines exigent un saut qualitatif dans la gouvernance numérique et la diversification économique ; le monde rural, lui, demeure attaché aux programmes d’infrastructures de base et à la tarification sociale de l’électricité.
Pour l’heure, l’appel de Liboka agit comme un baromètre. Il rappelle qu’aucune candidature ne saurait se dispenser d’un ancrage territorial solide, mais aussi que la mouvance présidentielle dispose d’une longueur d’avance organisationnelle. Fort de cet atout, Denis Sassou-Nguesso apparaît, plus que jamais, comme l’élément stabilisateur autour duquel se dessine le prochain cycle politique. Reste à savoir de quelle manière il articulera cette réassurance avec les attentes grandissantes des jeunes, dont près de 70 % n’étaient pas nés lors de son premier mandat, mais dont le vote constituera l’ultime arbitre du scrutin de 2026.