Contexte électoral en mutation
À moins d’un an du scrutin présidentiel de mars 2026, Brazzaville vit déjà au rythme des préparatifs institutionnels. Derrière les conférences de presse officielles, un chantier moins visible émerge : professionnaliser la couverture médiatique pour garantir la sérénité nécessaire à une compétition crédible.
La session organisée du 11 au 13 août 2025 à Pefaco Hôtel, associant Unesco, Commission électorale et ministère de la Communication, s’inscrit dans cette dynamique. Cinquante femmes journalistes y ont forgé des outils juridiques, techniques et éthiques destinés à baliser les mois critiques qui approchent.
La place stratégique des femmes journalistes
Depuis le référendum de 2015, la présence féminine dans les rédactions congolaises progresse, mais elle reste minoritaire aux postes décisionnels. En investissant sur elles, les autorités veulent traduire en actes les engagements constitutionnels en faveur de l’égalité et donner un visage inclusif au futur débat public.
Le ministre Thierry Moungala l’a rappelé en ouverture : la sensibilité et l’écoute portées par les femmes peuvent enrichir la narration politique et réduire certaines crispations. « Elles ramènent l’expérience citoyenne au centre du récit », confiait-il à notre micro, conscient du potentiel d’apaisement.
En 2021, une étude de l’Observatoire national du genre révélait que moins de 20 % des sources citées durant la campagne législative étaient des femmes. La formation entend inverser cette statistique afin que l’élection prochaine reflète mieux la société qu’elle doit représenter.
Renforcement des capacités et stabilité
Sous la coordination du journaliste Arsène Sévérin Ngouéla, les participantes ont disséqué le droit électoral, revisité le code d’éthique et simulé la vérification de rumeurs sur les réseaux. Les cas pratiques ont insisté sur l’équilibre des temps de parole, souvent point faible des précédentes campagnes.
Gaston Ololo, pour la C.N.E.I, a détaillé les innovations logistiques prévues en 2026 : transmission numérisée des résultats, cartographie interactive des bureaux et protocole d’accréditation plus souple. Maîtriser ce vocabulaire technique doit, selon lui, permettre aux journalistes de décrypter les chiffres avant la rumeur.
La question de la sécurité des reporters a occupé une demi-journée, en présence du nouveau président du Conseil supérieur de la liberté de communication, Médard Milandou. Il a promis un dialogue permanent pour anticiper les tensions, saluant le « professionnalisme responsable » promu par l’atelier.
Synergie Unesco–Gouvernement
Si l’Unesco finance le programme, la participation active du gouvernement congolais n’est pas anodine. Elle confirme la stratégie décrétée par le chef de l’État, Denis Sassou Nguesso, de consolider la paix électorale en renforçant les corps intermédiaires plutôt qu’en légiférant à posteriori.
Interrogé sur la portée politique de l’événement, Henri Bouka, président de la Cour suprême et de la C.N.E.I, a insisté sur « la responsabilité partagée ». Selon lui, « l’impartialité administrative ne suffit pas ; il faut une impartialité médiatique portée par des professionnels dûment formés ».
La coopération multilatérale n’est pas nouvelle, mais elle gagne en densité. En 2020, une initiative similaire avait ciblé la couverture sanitaire de la pandémie. En l’élargissant aujourd’hui à l’élection, Brazzaville capitalise sur des réseaux déjà éprouvés, limitant les coûts et accélérant le déploiement territorial.
Défis numériques et impartialité
Les formatrices ont longuement abordé les fake news et l’intelligence artificielle, capables de brouiller une opinion en quelques heures. Pour l’experte onusienne Fatoumata Barry Marega, « la première enceinte de protection, c’est le discernement professionnel ». Elle encourage la vérification collaborative entre rédactions.
Les participantes ont expérimenté des logiciels de traçage d’images et l’usage raisonné de WhatsApp Live. La mise en situation, inspirée des émeutes de 2023 à Oyo, a montré combien la rapidité ne doit pas l’emporter sur la rigueur, surtout dans un climat électoral à forte résonance.
Un module entier fut dédié à la protection des données personnelles des électeurs. À l’heure où le fichier biométrique sera centralisé, la presse se doit d’expliquer sans effrayer. Les rédactrices-cheffes présentes ont plaidé pour des infographies pédagogiques afin d’éviter la diffusion de rumeurs.
Perspectives à l’horizon 2026
À horizon mars 2026, l’exécutif assure vouloir maintenir un climat d’inclusion. Le porte-parole du gouvernement évoque une nouvelle charte de campagne, déjà rédigée à 80 %. Elle fixera un format de débats télévisés co-produits avec les chaînes privées afin de garantir la pluralité.
Les organisations civiles saluent la démarche, tout en réclamant un suivi budgétaire de ces engagements. Selon l’ONG Publiez Ce Que Vous Payez, renforcer la transparence médiatique peut favoriser la confiance des partenaires financiers, élément clé pour soutenir les programmes sociaux annoncés par le président.
En définitive, la formation de Brazzaville s’apparente à une pièce du puzzle préparatoire : discret, technique, mais décisif. Plus qu’une opération de communication, elle signale que le pays mise sur le professionnalisme féminin pour sécuriser une élection dont l’enjeu dépasse les frontières nationales.
Reste à traduire ces intentions dans les rédactions régionales, souvent confrontées à un accès limité à Internet. L’Unesco prévoit un volet d’accompagnement à distance pour que les journalistes des districts puissent, eux aussi, couvrir équitablement le scrutin.