Jeux médiatiques à l’aube de 2026
À trente mois du scrutin présidentiel de 2026, la scène médiatique congolaise s’active. Dans l’ombre des grands meetings, une question prend de l’ampleur : comment garantir une information qui renforce la cohésion sans étouffer le pluralisme ? Les femmes journalistes avancent des réponses.
Porté par le ministère de la Communication, le Plan national de transition numérique prévoit déjà des ateliers régionaux sur la neutralité de l’information. En coulisse, les directions de chaines publiques se disent prêtes à ouvrir davantage d’antenne aux voix féminines.
Un atelier inédit au service de la parité
Du 11 au 13 août, cinquante professionnelles venues de la presse écrite, audiovisuelle et en ligne se sont retrouvées à Brazzaville, à l’invitation du ministère et de l’Unesco. Objectif déclaré : outiller les rédactions pour une couverture inclusive et pacifique de la campagne.
Animé par Serge Banyimbe, l’atelier a alterné études de cas et exercices pratiques, en insistant sur deux écueils : la diffusion brute des discours partisans et la négligence du fact-checking, souvent accélérée par les réseaux sociaux ou l’usage non maîtrisé de l’intelligence artificielle.
Les participantes ont présenté un catalogue de recommandations parmi lesquelles la création d’un réseau national de femmes journalistes, l’élaboration d’un guide sur le langage sensible au genre et l’intégration systématique de modules paix-sécurité dans toutes les formations continues.
Un réseau féminin en gestation
Selon Tania Noguera Ndinga de Vox TV, le futur réseau servira de baromètre éthique. « Nous voulons une plateforme capable d’alerter en temps réel sur les dérives et de proposer des angles équilibrés », explique-t-elle, soulignant la nécessité d’une hotline pour signaler les pressions locales.
La Direction de cabinet du ministre a salué l’initiative et promis un accompagnement technique. Dans les couloirs, plusieurs conseillers évoquent déjà la possibilité d’allouer une ligne budgétaire spécifique lors de la prochaine loi de finances, signe d’une volonté politique d’ancrer la parité.
Défis d’éthique et fact-checking
Le paysage numérique congolais compte plus de six millions d’utilisateurs d’Internet, soit un tiers de la population. Cette audience, en quête d’instantanéité, expose les rédactions à une course contre la montre où la vérification peut sembler secondaire, reconnaissent plusieurs directeurs de publication.
Pour contrer cette dérive, l’atelier préconise une charte interne exigeant deux sources indépendantes avant toute publication électorale sensible. L’approche rappelle le Cadre juridique sur la régulation des médias adopté en 2022, dont les décrets d’application seront finalisés d’ici décembre, selon le gouvernement.
De son côté, la Haute Autorité de la communication annonce un système d’alerte rapide qui, sans censurer, demandera des corrections dans un délai de six heures. « Notre rôle n’est pas d’entraver la liberté mais de prévenir l’escalade verbale », assure un commissaire sous couvert d’anonymat.
Enjeux pour la stabilité nationale
Les analystes s’accordent à dire que la présidentielle de 2026 se déroulera dans un contexte macro-économique plus favorable que celui de 2021, grâce au rebond des cours pétroliers et aux programmes sociaux du Plan national de développement 2022-2026, salués par la Banque africaine.
Dans ce climat, une couverture médiatique apaisée est perçue comme un facteur de consolidation. « La paix reste notre capital le plus précieux », rappelle le sociologue Louis Mavoula, ajoutant que l’engagement des femmes journalistes peut servir de garde-fou contre la polarisation excessive des débats.
Feuille de route institutionnelle
Le chronogramme officiel fixe la révision des listes électorales du 1ᵉʳ septembre au 30 octobre 2024. Cette étape sera suivie d’une campagne d’enrôlement biométrique qui, selon le ministère de l’Administration du territoire, réduira les contestations liées aux doubles inscriptions.
Une fois la liste consolidée, la Commission nationale électorale indépendante publiera le calendrier définitif avant mars 2025. Plusieurs partenaires techniques, dont l’Union africaine et l’Organisation internationale de la Francophonie, ont déjà confirmé leur appui logistique à l’observation et à la formation des scrutateurs.
Pour l’exécutif, ces jalons témoignent d’un engagement constant envers la transparence. « Chaque cycle améliore le précédent », souligne Antoine Oviebo Ethaï, directeur de cabinet du ministre de la Communication, citant la digitalisation partielle des bureaux de vote testée lors des législatives partielles de 2023.
Reste à observer la mobilisation citoyenne. La dernière présidentielle avait enregistré une participation de 67 %. Le gouvernement espère franchir le cap symbolique des 70 %, misant sur des campagnes d’éducation civique co-pilotées par les médias féminins pour toucher les électeurs des zones rurales.
À mesure que 2026 s’approche, l’enjeu n’est plus seulement de suivre l’actualité, mais de la façonner. En donnant aux femmes journalistes les outils nécessaires, Brazzaville mise sur un soft power éditorial susceptible de conforter la paix et de renforcer la crédibilité du processus électoral.