Ce qu’il faut savoir
La création d’un fonds d’appui aux organes de presse, annoncée par le président du Conseil supérieur de la liberté de communication, Médard Milandou, arrive au moment où les rédactions préparent déjà la grande séquence électorale de 2026. L’objectif affiché est de consolider un traitement équitable de l’information.
En mobilisant la redevance audiovisuelle, l’État compte amortir les coûts de production, souvent élevés pour les rédactions régionales ou naissantes. C’est aussi une manière de protéger la diversité des voix dans un contexte où le numérique bouleverse les modèles économiques.
Un fonds inédit pour renforcer le pluralisme
Selon le régulateur, une commission ad hoc composée de hauts-conseillers, de représentants du ministère de la Communication et d’associations professionnelles définira sous peu les critères d’accès. Les médias publics et privés devraient bénéficier d’un partage équilibré, conformément à l’esprit d’équité rappelé par la loi.
La démarche s’inspire d’expériences voisines, tout en conservant une touche nationale. Chaque rédaction devra justifier de projets éditoriaux précis, avec un accent mis sur l’éducation civique et la couverture des opérations préélectorales : révision des listes, parrainages et débats programmatiques.
Modalités de répartition : la transparence au cœur
Les premières enveloppes, attendues avant la fin de l’année, seront ventilées après publication d’un barème public. Médard Milandou promet une « traçabilité totale » afin d’éviter les soupçons de favoritisme souvent évoqués lors de précédentes aides ponctuelles. Des audits indépendants sont déjà envisagés.
La démarche, saluée par plusieurs directeurs de rédaction rencontrés à Brazzaville, devrait stabiliser les emplois journalistiques. « Une campagne électorale bien couverte limite les rumeurs », souligne un rédacteur en chef, rappelant l’importance d’un climat apaisé durant les joutes présidentielles.
Une bouffée d’oxygène avant 2026
D’ici au lancement officiel de la campagne présidentielle, les rédactions devront multiplier les reportages de terrain dans les départements éloignés. Les frais de déplacement et de connexion représentent souvent la moitié du budget éditorial. Le nouveau mécanisme entend précisément combler cet écart.
Les premiers bénéficiaires espèrent pouvoir moderniser leur matériel de captation vidéo et sécuriser leurs sites web. Une part du fonds pourra aussi financer des formations sur la vérification de l’information, enjeu majeur face à la prolifération des contenus non vérifiés sur les réseaux sociaux.
Délivrance accélérée des cartes de presse
Parallèlement, le CSLC relance la campagne d’attribution des cartes professionnelles. Le badge officiel donnera accès aux meetings, aux commissions électorales locales et aux conférences de presse de candidats. Les correspondants des agences internationales sont également invités à régulariser leur statut auprès du secrétariat général.
Le régulateur insiste sur la rigueur du processus : justificatifs de publication, attestations de rédaction et absence de condamnation pour diffamation seront exigés. L’idée est de sécuriser l’accès aux sources et de responsabiliser chaque journaliste pendant tout le cycle électoral.
Impact pour la couverture de la présidentielle
En se dotant d’outils financiers et administratifs solides, la place médiatique congolaise se prépare à offrir aux citoyens un panorama complet des programmes et des engagements des éventuels candidats. Les débats sur l’économie verte, la jeunesse ou la diplomatie pourront être abordés avec plus de profondeur.
À long terme, cette professionnalisation devrait renforcer la confiance du public dans les urnes. Les études d’opinion publiées lors des législatives de 2022 montraient déjà que 62 % des électeurs réclamaient des sources d’information « fiables et vérifiées » avant de se déplacer.
Focus sur les nouveaux médias
Le CSLC reconnaît l’essor fulgurant des pure players, blogs et web-radios. Un quota de l’enveloppe globale leur sera dédié, sous réserve d’une immatriculation légale. Cette ouverture promeut l’innovation, tout en incitant les acteurs numériques à respecter les règles déontologiques communes.
La présence grandissante de la diaspora sur ces plateformes justifie également l’investissement. Plusieurs sites hébergés à Paris ou Montréal couvrent déjà le processus électoral congolais. En les impliquant officiellement, le régulateur veut garantir une information cohérente pour les électeurs expatriés.
À retenir
Le futur fonds d’appui se veut durable et équitable, avec un premier décaissement attendu avant la mi-2024. La carte de presse redeviendra l’outil clé de la mobilité journalistique. Ensemble, ces deux mesures forment un socle de confiance à l’approche de la présidentielle 2026.
Que faire concrètement ?
Les directeurs de médias sont invités à préparer dès maintenant leurs dossiers : projet éditorial détaillé, prévision budgétaire et liste du personnel éligible à la carte. En parallèle, les journalistes indépendants doivent se rapprocher des unions professionnelles pour faire valider leurs références.
FAQ : vos questions en trois points
Quand les formulaires seront-ils disponibles ? Le CSLC annonce une mise en ligne avant la fin du trimestre, avec dépôt physique possible à Brazzaville et Pointe-Noire.
Le fonds couvrira-t-il les dépenses d’acquisition de drones ou de logiciels de montage ? Oui, s’ils servent directement à la production d’un contenu lié au scrutin. Des justificatifs seront exigés.
Qu’advient-il des médias qui ne disposent pas encore d’un statut juridique ? Une période transitoire de six mois leur est accordée pour se conformer aux obligations commerciales et fiscales nationales.
Un regard d’expert
Pour le politologue Marcel Obounou, la décision « place le Congo dans la dynamique régionale de modernisation de la presse ». Il rappelle que des mécanismes similaires existent au Sénégal ou au Maroc, souvent soutenus par des partenaires techniques extérieurs, sans pour autant amoindrir la souveraineté éditoriale.
Perspective sur la régulation
Le nouveau bureau exécutif du CSLC, réduit à trois membres, promet davantage d’agilité. Les huit hauts-conseillers, spécialisés dans le numérique, la publicité ou la pluralité linguistique, travailleront en synergie avec la Haute Autorité de lutte contre la corruption pour garantir l’intégrité des flux financiers.
Encadré data : chiffres clés
Selon les estimations internes, le Congo compte 120 journaux enregistrés, 47 radios, 32 télévisions et 65 plateformes numériques d’information. Seuls 40 % disposent aujourd’hui d’une carte de presse à jour. Le fonds pourrait mobiliser l’équivalent de 1,5 milliard de francs CFA par an.
Mot de la société civile
L’Observatoire congolais des droits des médias salue « un pas considérable » et propose d’intégrer un représentant de la société civile dans le comité de suivi. Une recommandation jugée « pertinente » par le CSLC, soucieux d’associer tous les acteurs au processus.


