Un ruban tricolore qui vaut manifeste électoral
Lorsque le député Antoine Bien-aimé Obam’Ondon a coupé le ruban du nouveau marché d’Inkouélé le 1ᵉʳ juillet, la dimension cérémonielle dépassait de loin la simple mise en service d’un équipement commercial. Aux yeux des observateurs, l’événement s’apparente à un préambule programmatique pour la campagne présidentielle de 2026 : le pouvoir exhibe une maîtrise du temps court – trois mois de travaux pour quarante-sept étals couverts – et du temps long, celui d’un maillage territorial méticuleux voulu par Brazzaville depuis une décennie. Inkouélé, plus grand village de la sous-préfecture de Gamboma, incarne l’idée que la cohésion nationale se renforce aussi par la modernisation des espaces marchands, traditionnellement régulés par les femmes rurales, actrices économiques majeures souvent trop silencieuses dans les débats politiques.
Infrastructure et légitimité : le pari de la proximité
Les autorités congolaises n’ignorent pas que la légitimité présidentielle se construit autant en béton qu’en discours. En dotant Inkouélé d’un marché couvert, le député réaffirme ce principe de redevabilité qui demeure un axe constant du mandat de Denis Sassou Nguesso. Selon une vendeuse, « nous étalions nos produits à même le sol » ; la phrase, reprise dans les couloirs de l’Assemblée, se mue en argument tangible contre une rhétorique d’abandon souvent brandie par l’opposition. Le gouvernement, par ce geste, sape préventivement les critiques sur l’inégalité territoriale et montre que l’urbanisme de proximité peut être mobilisé comme vecteur d’apaisement social à l’approche des scrutins décisifs.
Sécurité, administration, citoyenneté : une trilogie encore inachevée
La satisfaction née de l’ouvrage n’efface pas les inquiétudes sécuritaires rappelées par le chef du village : agressions, migrations non régulées et trafics ponctuent un quotidien que la seule architecture ne résoudra pas. La demande d’un statut de sous-préfecture illustre la volonté d’acquérir des moyens sécuritaires et administratifs proportionnés à une population estimée à plus de deux mille habitants. Sur ce point, le député s’est engagé à porter la question devant la représentation nationale, dans la droite ligne des réformes annoncées par le gouvernement pour rationaliser la carte administrative avant 2026. L’enjeu dépasse le confort local : la capacité de l’État à enrayer la petite criminalité constitue un indicateur scruté par les partenaires internationaux, surtout lorsqu’une présidentielle approche.
La carte nationale d’identité au cœur du calendrier électoral
Autre requête récurrente : la délivrance accélérée des cartes nationales d’identité. À moins de deux ans d’un scrutin que la communauté régionale juge déterminant pour la stabilité du Golfe de Guinée, le sujet n’est pas anodin. Faciliter l’obtention de ce sésame revient à consolider le registre électoral et à prévenir les suspicions de fraude. À Inkouélé comme dans d’autres zones rurales, l’administration promet de déployer des équipes mobiles, signe que le régime mise sur la transparence procédurale pour réduire le champ des contestations futures, tout en capitalisant sur l’image d’un État qui se déplace vers ses citoyens.
Marché, moteur d’un capitalisme villageois assumé
Au-delà des enjeux institutionnels, l’impact économique du marché se dessine déjà. Les premières transactions réalisées sous la nouvelle halle laissent présager une hausse des volumes agricoles écoulés et, par ricochet, l’émergence d’une classe moyenne rurale au pouvoir d’achat renforcé. Les économistes proches du ministère du Plan évoquent un « effet de seuil » : dès que les revenus progressent, la demande pour l’éducation, la santé et les services numériques suit. Cette dynamique, si elle se confirme, servira de vitrine à la politique de diversification voulue par le président ; elle nourrit le récit d’un Congo qui ne dépend plus uniquement des hydrocarbures mais investit méthodiquement dans ses terroirs.
Vers 2026 : symbole local, signal national
Le second module du marché, annoncé pour les prochains mois, s’inscrira dans un agenda où chaque inauguration comptera. Dans la perspective de mars 2026, les communicants du pouvoir savent qu’une photographie d’étals bien ordonnés peut valoir autant, sinon plus, qu’un meeting. Inkouélé offre ainsi un micro-scénario grandeur nature : présenter des bilans concrets, engager l’électeur sur la voie d’un contrat de confiance renouvelé et souligner l’efficacité d’une coalition institutionnelle allant du député aux services déconcentrés. Reste à transformer l’essai. Les regards se tourneront vers la promptitude du gouvernement à dépêcher gendarmes, électriciens et agents d’état civil demandés par la population. Si la réponse suit le rythme imprimé par la halle marchande, Inkouélé deviendra, à l’orée de l’échéance présidentielle, une anecdote triomphante dans le storytelling officiel d’un Congo en marche, sereinement.
À défaut, l’opposition trouverait là un angle d’attaque tout trouvé. Mais pour l’heure, le marché résonne du brouhaha des vendeuses, et ces voix portent une mélodie favorable aux architectes de la stabilité, au sommet comme à la base.