Une recomposition stratégique aux allures de rite de passage
En réunissant, le 21 juin 2025, ses cadres à Brazzaville pour installer un Comité exécutif national resserré, l’Union pour la nation (U.n) a officialisé une mue que ses observateurs pressentaient depuis plusieurs mois. Le président du parti, Félix Guy Charles Paul Manckoundia, a privilégié la rationalisation de l’organigramme : l’instance dirigeante passe de quinze à treize membres, signe qu’une petite formation peut gagner en lisibilité en affichant des contours plus effilés. Plusieurs voix internes considéraient que la précédente architecture, calquée sur des partis historiques, alourdissait la prise de décision. Le nouveau schéma se veut agile, adapté au calendrier désormais dominé par la présidentielle de 2026.
Le pari d’une gouvernance resserrée et paritaire
Aux côtés de Manckoundia, la nomination de Mme Esther Blandine Claudia Bouanga au secrétariat général envoie un signal de parité, consonant avec les appels répétés des autorités à élargir l’accès des femmes aux responsabilités nationales. La nouvelle secrétaire générale sera épaulée par Brice Trésor Tsémoua Mbambouly, chargé de la coopération et du lien avec la diaspora, autant de chantiers que le gouvernement encourage dans le cadre de la diplomatie de proximité impulsée par le président Denis Sassou Nguesso. En promouvant des profils issus de l’économie solidaire, de l’écologie ou encore des droits humains, l’U.n s’aligne sur la feuille de route de développement durable récemment rappelée par le chef de l’État lors du Forum « Congo – territoires 2030 ».
Résonances avec la stratégie présidentielle pour 2026
Si l’U.n revendique son indépendance, le parti ne cache pas son souhait de participer à la « majorité de progrès » que plusieurs formations évoquent pour accompagner une éventuelle candidature de continuité en 2026. « La stabilité institutionnelle est un atout que le Congo ne saurait sacrifier », confie un membre du nouveau bureau, faisant écho aux discours officiels soulignant la nécessité d’un climat apaisé pour attirer l’investissement. Cette posture, à la fois loyale et critique, rappelle la stratégie qu’adoptèrent en 2021 de petites forces politiques, finalement admises dans la coalition gouvernementale après l’élection (analystes politiques de Brazzaville).
Des marges de manœuvre limitées, mais un terrain électoral encore fluide
La réduction des effectifs confère une discipline interne, mais ne saurait compenser le déficit d’ancrage local de l’U.n. Le parti ne dispose à ce jour d’aucun député à l’Assemblée nationale, même si plusieurs conseillers municipaux, transférés d’autres formations, alimentent la base militante. Les gouverneurs de département, soutenus par l’exécutif central, ont multiplié les forums citoyens où les partis émergents peuvent s’exprimer, preuve d’un espace politique relativement ouvert comparé aux cycles antérieurs. Dans ce contexte, l’U.n mise sur des thématiques de niche : économie solidaire dans le Pool, entrepreneuriat jeune dans la Likouala, résilience climatique dans la Sangha. L’objectif est moins de conquérir la présidence que de négocier, au sortir du scrutin, un rôle de force d’appoint au Parlement.
Entre cohésion nationale et compétition partisane
L’inclusion d’un secrétariat dédié à la cohésion nationale, confié à Mme Marianne Kipissa Mbélé, témoigne d’une volonté d’épouser la rhétorique d’unité promue par le Palais du Peuple. À l’heure où les autorités multiplient les consultations sur le pacte social et culturel, l’U.n entend montrer sa capacité à s’arrimer aux priorités gouvernementales, sans pour autant dissoudre sa singularité. Les rapports d’experts de l’École nationale d’administration rappellent que les partis secondaires jouent un rôle de courroie dans la diffusion des politiques publiques jusque dans les contrées excentrées ; encore faut-il qu’ils disposent d’une structure opérationnelle. C’est à ce défi que répond la nouvelle architecture.
À l’horizon 2026 : visibilité, alliances et contrôle de la narration
Les mois qui viennent seront décisifs. Au-delà des investitures législatives prévues pour début 2026, Manckoundia et son équipe devront se positionner sur la question de la candidature présidentielle. La tentation de soutenir officiellement l’actuel chef de l’État est réelle, mais l’U.n pourrait opter pour un soutien programmatique, ménageant son identité tout en capitalisant sur l’élan national autour de la modernisation des infrastructures et de la transition numérique. Dans un écosystème médiatique fortement concurrentiel, le parti veille à professionnaliser sa communication ; la désignation d’Alain Matala-Demazza comme porte-parole vise à sécuriser les messages et éviter les expressions dissonantes. « Nous voulons parler d’une seule voix, mais dans la pluralité propre à la République », souligne l’intéressé.
Un micro-laboratoire de la coalition présidentielle ?
En définitive, la réorganisation du Comité exécutif national de l’Union pour la nation représente un micro-laboratoire de la nouvelle coalition que le pouvoir pourrait agréger autour de lui. En se plaçant d’emblée sur un registre d’appui critique, l’U.n espère s’assurer un strapontin dans la future majorité tout en apportant des propositions concrètes sur l’économie verte, l’inclusion sociale et la numérisation des services publics. À l’image de ce parti, de nombreuses formations peaufinent leur alignement alors que s’ouvre une séquence électorale capitale pour le Congo-Brazzaville. La stabilité reste le mot d’ordre, la compétition l’épice démocratique ; entre les deux, chaque acteur tente de trouver la note juste.