Le ralliement de l’axe Liboka se structure
Au cœur du 6ᵉ arrondissement de Brazzaville, l’esplanade de la mairie de Talangaï a résonné d’une ferveur singulière : celle d’un appel solennel lancé par l’Association pour le développement de l’axe Liboka. Prenant date avec l’histoire, Maixent Raoul Ominga a requis, devant plusieurs centaines de ressortissants des soixante-deux villages du couloir Liboka, la candidature de Denis Sassou Nguesso pour mars 2026. La collecte spontanée de contributions financières qui a immédiatement suivi a illustré une mobilisation populaire rarement observée hors des grands partis dominants depuis le référendum constitutionnel de 2015.
Une sociologie électorale en quête de continuité
Les soutiens à la majorité présidentielle s’appuient sur une réalité socio-politique tenace : dans un pays où la paix civile demeure l’alpha et l’oméga du discours public, l’électeur congolais valorise le maintien d’un climat sécuritaire face aux incertitudes régionales. Les chercheurs de l’Université Marien-Ngouabi rappellent qu’entre 2016 et 2023, les indicateurs de conflits inter-communautaires sont demeurés parmi les plus faibles de la sous-région. Pour les partisans du chef de l’État, ce bilan sécuritaire plaide pour la « poursuite de la modernisation », afin d’éviter une transition perçue comme hasardeuse.
Diplomatie offensive et capital de stabilité
La scène internationale confirme la centralité de Brazzaville sur des dossiers stratégiques allant du bassin du Congo au conflit russo-ukrainien, où la voix de Denis Sassou Nguesso a été régulièrement sollicitée dans les fora multilatéraux. L’adhésion du Congo à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives, applaudie par la Banque mondiale en mai dernier, nourrit l’argumentaire des cénacles favorables au président. Selon un diplomate africain en poste à New York, « le Congo a retrouvé, grâce à une diplomatie négociatrice, une visibilité qu’il n’avait plus depuis le sommet de Brazzaville de 1987 ».
Une opposition morcelée et un calendrier resserré
Si le pluralisme partisan est garanti par la Constitution, force est de constater que l’opposition peine à fédérer un front commun. Les formations issues de la diaspora n’ont pas encore réussi à articuler un programme économique cohérent face à l’électorat urbain, tandis qu’au sein même de l’Assemblée nationale les débats se cristallisent davantage sur les alliances locales que sur une alternative programmatique nationale. Pour la politologue Victoire Bikandou, « le risque majeur pour les challengers réside moins dans les contraintes administratives que dans leur incapacité à produire un récit crédible sur la gouvernance post-pétrole ».
Défis économiques : entre plans de relance et attentes sociales
La question du redressement macro-budgétaire reste cependant le point nodal du débat public. Les chiffres publiés par le ministère des Finances en juin font état d’une croissance prévisionnelle de 4 % pour 2025, dopée par la montée en puissance du champ pétrolier de Moho-Nord et la diversification vers l’agro-industrie. Néanmoins, le taux de chômage urbain frôle officiellement les 19 %. Le gouvernement martèle que le Pacte social et solidaire lancé en 2023 commence à porter ses fruits. Les mouvements syndicaux, eux, plaident pour un réajustement plus rapide des salaires et des pensions. Entre prudence budgétaire prônée par les bailleurs et attentes pressantes des classes moyennes naissantes, la marge de manœuvre présidentielle reste étroite ; raison de plus, selon l’Adal, pour « laisser l’ouvrage à l’artisan qui le connaît ».
Perspectives : vers une candidature d’équilibre national
À mesure que l’échéance de mars 2026 se rapproche, les cercles diplomatiques constatent que l’appel de Talangaï pourrait inaugurer une série d’initiatives analogues dans les départements du Niari et du Kouilou, où les notables disposent d’un pouvoir de mobilisation comparable. Dans l’entourage présidentiel, on assure que l’heure est encore à la consultation des forces vives. Mais sous les lambris du Palais du peuple, nul ne doute qu’une décision mûrement pesée interviendra au lendemain de la rentrée parlementaire. Dans l’intervalle, la mécanique électorale se met en place : révision des listes, sensibilisation communautaire et formation des observateurs. La dynamique enclenchée à l’axe Liboka témoigne d’un message simple : pour une frange significative de la population, Denis Sassou Nguesso demeure l’option jugée la plus apte à conjuguer stabilité politique, diplomatie affirmée et prudence économique. Reste désormais à savoir comment les adversaires sauront, ou non, déplacer ce centre de gravité.