Un discours d’anniversaire aux airs de programme
En s’adressant à la Nation la veille du 65e anniversaire de l’indépendance, Denis Sassou Nguesso a esquissé les grandes lignes d’un cap qu’il souhaite prolonger jusqu’à la présidentielle de 2026. Derrière les célébrations, le chef de l’État a placé l’élection au centre d’un récit de stabilité.
Ce discours, diffusé sur l’ensemble des chaînes publiques et privées, a rappelé que « nul pays ne peut prospérer dans l’autarcie ». Le Président a ainsi relié patriotisme et ouverture, deux axes destinés à rassurer la classe moyenne urbaine, mais aussi les partenaires internationaux inquiets du climat régional.
Un contexte géopolitique incertain
Bamako, Khartoum, Kiev : les conflits armés cités par Brazzaville rappellent que la conjoncture mondiale demeure volatile. Dans la zone CEEAC, la succession de putschs fragilise les corridors commerciaux. Le Congo mise donc sur la continuité institutionnelle pour conserver sa notation souveraine et attirer des investisseurs prudents.
Le chef de l’État a souligné que la paix nationale n’est pas un acquis définitif. Brazzaville multiplie en coulisse les médiations régionales, notamment entre Bangui et Ndjamena. Ces efforts lui valent le soutien discret de l’Union africaine, un capital politique que le pouvoir compte valoriser lors de la campagne.
L’économie entre résilience et diversification
Le pays sort doucement de la récession provoquée par la chute des cours pétroliers de 2020. Les chiffres du FMI prévoient 3 % de croissance en 2025, stimulés par les débuts du gisement de Banga Kayo et par les programmes agricoles de semences améliorées lancés dans la Cuvette.
Le gouvernement défend une stratégie de substitution aux importations qui combine exonérations fiscales ciblées et alliances public-privé. « La zone économique spéciale d’Oyo produira les premiers panneaux solaires avant décembre 2025 », assure le ministre de l’Économie. Des arguments que la majorité présentera comme preuve tangible de résilience.
La majorité prépare son candidat
Anatole Collinet Makosso affirme que Denis Sassou Nguesso demeure « le candidat naturel ». Les réunions du Parti congolais du travail laissent cependant la porte ouverte à d’éventuelles surprises, certains cadres évoquant un ticket générationnel pour intégrer davantage de jeunes électeurs urbains sensibles au numérique.
Le calendrier officiel sera fixé par la Commission électorale indépendante, progressivement renforcée depuis 2021. L’exécutif promet de publier le fichier électoral avant le second trimestre 2026. Cette transparence annoncée vise à désamorcer les critiques récurrentes d’opacité, tout en plaçant l’opposition devant ses propres échéances organisationnelles.
Opposition et société civile en quête de visibilité
Face à un appareil d’État solidement structuré, les formations d’opposition peinent à exister hors des réseaux sociaux. Guy Brice Parfait Kolélas n’ayant pas désigné d’héritier politique clair, l’espace est fragmenté. Plusieurs ONG encouragent l’émergence de primaires citoyennes capables d’unifier un programme autour de la gouvernance locale.
Sur le terrain, les associations de femmes revendiquent 30 % de têtes de liste dans les scrutins locaux concomitants à la présidentielle. Le ministère en charge du Genre organise des ateliers de formation électorale à Pointe-Noire. Ces signaux d’inclusion pourraient atténuer les accusations de monopole masculin sur la décision.
Panafricanisme et diplomatie active
Dans son allocution, le président a réhabilité la devise Unité, Travail, Progrès, tout en appelant à « revivifier le panafricanisme ». Brazzaville se positionne ainsi comme trait d’union entre États d’Afrique centrale et du Golfe de Guinée. Une diplomatie à faible coût budgétaire mais à haute valeur symbolique.
Le gouvernement suit avec attention le projet de monnaie unique de la CEMAC. Si l’échéance reste lointaine, l’argument sert de levier pour justifier la modernisation des infrastructures de paiement nationales. L’intégration financière figure déjà parmi les indicateurs évalués par les agences de notation lors de chaque revue trimestrielle.
Vers un scrutin sécurisé et inclusif
Les forces armées congolaises, appuyées par la police, s’entraînent déjà à la gestion de foules électorales. Le haut commandement insiste sur la discipline pour éviter tout dérapage comme en 2016. Des observateurs de la CEEAC devraient être invités, gage supplémentaire d’ouverture et de crédibilité du processus.
Pour la première fois, des bureaux pilotes utiliseront des tablettes afin de transmettre les résultats en temps quasi réel vers le centre national de compilation. Les ingénieurs de l’Université Marien Ngouabi ont été associés au dispositif, preuve que le pays capitalise sur sa ressource humaine académique.
Reste la bataille de la participation, tombée à 57 % en 2021. Le ministère de l’Intérieur prévoit une campagne d’inscription mobile dans les districts enclavés du Niari. Objectif officiel : franchir la barre de 70 %. Cette ambition, si elle se confirme, donnerait au scrutin une légitimité renforcée.
Le vote de la diaspora, évalué à 150 000 ressortissants, reste un enjeu sous-estimé. Les consulats s’équipent de kits biométriques pour fiabiliser l’inscription. Plusieurs associations d’expatriés réclament toutefois une représentation législative propre, question que le Sénat pourrait examiner lors de la prochaine session extraordinaire.
À un an de l’échéance, l’équation semble claire : le pouvoir joue la carte de la continuité, l’opposition celle du rassemblement. Le vote de 2026 se dessinera donc à l’intersection de la stabilité macroéconomique et de l’attachement, de plus en plus affirmé, à une intégration africaine rénovée.